BGT a écrit ceci

L'historien des techniques bondit quand il lit "Je rappellerai d'abord, cher Victor, que les RÉSULTATS en matière de sciences humaines, et principalement en pédagogie, n'ont jamais valeur de preuves". Il serait donc impossible de fonder un critère quelconque de vérité si c'était le cas.

Je pense qu'il y a un saut argumentatif entre les deux parties de votre raisonnement.
D'une part, il me semble qu'en matière de pédagogie, la notion de "vérité" n'a pas grand sens : on peut lui préférer celle d'acceptabilité. Et d'autre part, il n'était pas ici question de "vérité", mais de jugement de valeur sur l'efficacité d'une pratique.
Or, en pédagogie, jamais je ne pourrai imputer la réussite des élèves à la pratique mise en œuvre : pourquoi ?
D'abord, parce qu'une pratique a toujours l'air de réussir, quelle qu'elle soit. M. Le Bris peut affirmer que ça réussit chez lui : chez moi ce fut et c'est aussi le cas ! Et ça ne prouve rien.
Ensuite, parce que la véritable évaluation de notre travail, ce n'est point à l'issue de la leçon qu'elle se fait, mais cinq ou dix ans plus tard.

Quant à la "cohérence" évoquée cela tient de l'opinion : un logicien sait très bien que le critère de cohérence entre éléments n'est pas un critère de vérité.

Encore une fois, le problème n'a rien à voir avec la vérité. Il s'agit d'une hypothèse d'efficacité probable. Rien de plus.

Soyons sérieux, la preuve en science humaine existe même si elle ne suit pas forcément les cadres de la preuves des sciences de la vie ou des mathématiques (vous connaissez probablement les travaux sur les problèmes de l'appréciation numérique en psychologie).

Soyons effectivement sérieux : je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas de preuves possibles en pédagogie, j'ai dit que les résultats d'une pratique ne pouvaient jamais être considérés comme un preuve de l'efficacité de cette pratique, ce qui est nettement différent.

Je suis personnellement un comparatiste par nature. Je l'ai fait dans ma pratique professionnelle d'enseignant : on teste et on garde ce qui marche le mieux. Inutile de vous dire que je n'ai pas gardé ce à quoi vous vous attendez.

Primo, je ne m'attends à rien.
Secundo, vous savez très bien (ou alors vous êtes très inattentif, ce que je ne crois pas !) que ce qui a marché cette année dans ma classe a neuf chances sur dix de ne pas marcher du tout l'an prochain.

Le problème maintenant est d'établir par collégialité une norme de ce qui fonctionne et pourquoi.
Pensez par exemple que les élèves apprennent mieux en situation d'activité que par écoute d'une explication est fausse pour 90% des élèves. La pédagogie dite frontale est acclamée par les études (scientifiques pour le coup, j'en avais envoyé une à Madame Charmeux il y a quelques temps) des groupes pluridisciplinaires américains intéressés au renouveau de l'école publique d'outre-Atlantique. Les panels dépassent souvent les 10 000 sujets observés in situ et les temps d'observation les cinq ans. Bien entendu, on n'y verse dans aucun scientisme en essayant de chiffrer les gains. On affirme tout simplement qu'une manière d'enseigner est plus accessible à l'élève qu'une autre.


Ne confondez pas, cher collègue, la satisfaction des élèves et l'efficacité du travail : la plupart des étudiants et des lycéens réclament des cours magistraux : vous savez pourquoi ? Parce que ça demande beaucoup moins de travail !! Et les profs les préfèrent aussi... pour exactement la même raison.
Quand je n'ai pas eu le temps de préparer un travail réellement intelligent pour mes élèves, je fais un cours magistral : fastoche et si agréable pour notre narcissisme fondamental !

Une dernière chose amusante : ces gens, plutôt "très à gauche", ont comme modèle l'école française de la IIIe république et son ascenseur social. Une ironie de l'histoire ?

Je ne trouve pas ça amusant du tout, hélas... surtout quand je lis le numéro du Nouvel Obs sur l'illettrisme... Navrant !
Ce n'est pas entre la gauche et la droite que se place le clivage, vous le savez bien... Que ce soit ou non désolant, c'est ainsi.