Enseigner le français avec Eveline Charmeux

Comment évaluer la maîtrise de l'orthographe ?

Nous avons démontré que la dictée était un thermomètre bien mal étalonné et qui ne mesure rien en réalité. Pourtant, il faut bien évaluer les savoirs en orthographe…
Comme toujours deux secteurs de l’évaluation sont à envisager ici :

a) Évaluer l’orthographe en situation fonctionnelle d’écriture.

En situation fonctionnelle, ce n’est pas le nombre d’erreurs qui serait à évaluer. Ce sont les stratégies qui permettent d’éviter les erreurs. C’est pourquoi, il est indispensable pour chaque situation de production d’écrits, quelle que soit la discipline pour laquelle la production est prévue (solution d’un problème mathématique, devoir d’histoire ou compte-rendu scientifique etc.) de permettre l’utilisation totalement libre et à volonté de la documentation orthographique (dictionnaires d’orthographe, de conjugaison, archives personnelles, fiches produites en classe etc.). Le contrat étant de ne prendre aucun risque et de ne jamais écrire sans vérifier l’orthographe. C’est aussi pourquoi il nous semble préférable, à l’école primaire, au moins au cycle 2 et dans la première année du cycle 3, de ne jamais faire produire individuellement des écrits : des équipes de deux enfants, et même plutôt de trois sont infiniment souhaitables afin de partager les tâches à mener pour produire un écrit : tenir la plume, élaborer les phrases du texte, et s’occuper de la documentation orthographique.
Dès lors que ces conditions sont remplies, il est possible de s’occuper des éventuelles erreurs voire, si l’on se trouve en période d’évaluation, d’attribuer une note au savoir orthographier qui apparaît dans le texte. Mais il est bien entendu que cette note ne peut être qu’une somme de réussite (et non une soustraction d’erreurs !) . Comme il ne paraît pas très simple de compter le nombre de mots convenablement écrits, ce qui donnerait des notes assez monstrueuses, la solution est à rechercher dans un “forfait”, défini à l’avance avec les élèves, à partir d’un rapport entre le nombre approximatif de réussites orthographiques et le nombre total (approximatif aussi de mots). On peut par exemple convenir que trois quarts de bien écrit, correspond à la moyenne 10/20 ; la moitié, à 5/20 ; le quart, à 2/20. On ne propose la note nulle que si rien n’est bien orthographié ; et l’on proposera 15/20, pour quelques erreurs disséminées dans le texte. Il va de soi que cette note ne porte que sur l’orthographe de la copie, toujours distincte des éventuelles autres notes portant sur d’autres compétences. Il va aussi de soi que cette évaluation du savoir orthographier doit s’effectuer sur les productions écrites de toutes les disciplines, lesquelles en période d’évaluation portent obligatoirement, en plus de la note attribuée dans la discipline en question, une note d’orthographe, qui entrera dans la moyenne des notes dans ce domaine. Une moyenne en effet doit porter sur l’ensemble des productions effectuées au cours de la semaine d’évaluation, et non sur les dictées effectuées dans le trimestre (solution traditionnelle, mais absurde, qui supprime carrément la notion de progrès des élèves au cours de ce trimestre.

b) Évaluer les connaissances sur le fonctionnement de l’orthographe.
C’est-à-dire, évaluer ce qui a été retenu du travail d’apprentissage effectué en classe sur tel ou tel point de son fonctionnement. Pour que cette évaluation (indispensable à l’enseignant, comme feed-back sur son propre travail) ait un sens, il importe d’éliminer toute variable indépendante du savoir étudié. C’est pourquoi, il ne peut s’agir d’une activité d’écriture.

Deux types d’activité sont possibles :

* Des activités de justification de graphies :


On distribue un texte, de préférence connu des élèves à travers des lectures antérieures, dans lequel ont été soulignés divers exemples du travail à évaluer : par exemple les rôles de la lettre –S en finale des mots. Vingt mots du texte, terminés par cette lettre sont ainsi soulignés et l’on propose pour chacun d’eux plusieurs justifications possibles :
Le mot est précédé d’un déterminant pluriel.
Le mot appartient à un groupe nominal pluriel
Le mot est précédé des mots Je, ou Tu, ou Nous, ou Vous
Le mot s’écrit toujours avec un -S
Les élèves doivent choisir celle qui leur semble la bonne explication. Chaque bon choix reçoit un point. La somme des points obtenus donne une note qui apporte, sur la question considérée, des informations fiables et intéressantes pour l’enseignant.

Voici un exemple de ce type de travail (extrait du manuel CE2 "la langue française , mode d'emploi".(Editions SEDRAP Toulouse)

Module 3 : les écrits de documentation. Je vérifie ce que j'ai appris en orthographe.

Voici quelques extraits des écrits sur lesquels tu as travaillé.

1- — Goupapy, raconte-nous encore l'histoire du corbeau et du fromage !
Pour la cent cinquième fois, le vieux renard conte à ses petits-fils comment il avait fait tomber du bec de Maître Corbeau l'alléchante proie
2- Le renard est un habitant de la forêt, mais il se fixe parfois dans les grands parcs à végétation épaisse, au milieu des villes. Il s'attarde souvent dans des villages où il peut trouver de la volaille. Sa nourriture habituelle se compose de petits rongeurs ou oiseaux.
3- Les petits du hérisson naissent aveugles et leurs piquants sont mous. Ils ouvrent les yeux au bout de deux semaines.
4- Toutes les araignées se nourrissent de petits animaux, principalement d'insectes. Certaines courent à la poursuite de leurs proies, d'autres se mettent à l'affût près des fleurs

Consigne : Regarde bien comment se terminent les mots soulignés. Nous te proposons plusieurs explications possibles. Recopie ces mots et écris à côté de chacun de ces mots le numéro de l'explication qui te paraît convenir, en précisant ce qui t'a permis de trouver.

a) Le mot se termine par un -e, parce que
1) c'est un verbe dans une phrase impérative (correspondant à TU)
2) c'est un verbe au présent de l'indicatif, précédé d'un GN singulier (ce qu'on appelle la 3ème personne)
3) c'est un nom dans un GN singulier, qui se termine par -e au singulier (on le voit dans le dictionnaire).
4) c'est l'orthographe du mot : il s'écrit toujours comme cela.

b) Le mot se termine par un -s, parce que
5) c'est un nom dans un GN pluriel
6) c'est l'orthographe du mot : il s'écrit toujours comme cela

c) Le mot se termine par un -t, parce que
7) c'est un verbe au présent de l'indicatif, précédé d'un GN singulier (ce qu'on appelle la 3ème personne)
8) c'est un nom dans un GN singulier, qui se termine par -t au singulier (on le voit dans le dictionnaire)
9) c'est un verbe au présent de l'indicatif, précédé d'un GN pluriel
10) c'est l'orthographe du mot : il s'écrit toujours comme cela.

* Des activités d'écriture sous la dictée.

C'est ce que nous appelons "la dictée active" ou "dictée intelligente" .

Au lieu de dicter un texte — on a vu à quel point cela ne peut que mettrre en difficulté les enfants —, on le leur distribue, mais avec des éléments manquants, correspondant à ce que l'on désire valider. Ce texte est alors dicté afin d'éviter toute ambiguïté de sens, et les enfants n'ont qu'à remplir les blancs laissés dans le texte. Chaque blanc convenablement rempli se voit attribuer un point et le total correspond à une note qui a réellement un sens, puisqu'elle est la somme des réussites, ce que doit toujours être une note en classe...

Voici un exemple de ce type d'activité d'évaluation, extraite du manuel "la langue française, mode d'emploi", CM2 (Edition SEDRAP Toulouse)

Je sais me servir de ce que j’ai appris en orthographe (fin d'année)

Consignes : 1- Le texte suivant va être dicté par l’enseignant : tu devras seulement écrire ce qui manque à certains mots dont une partie est remplacée par des petits points.

Germinal (Emile Zola)

Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoil------, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suiv-----  seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, -----  travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait même pas le sol noir, et il n’avait la sensation de l’immense horizon plat que par les souffles de vent de mars, des rafales larges comme sur une mer, glac------  d’avoir balay----- des lieues de marais et de terres nu----. (…)
Depuis une heure, il avan------  ainsi lorsque, sur la gauche, il aper------  des feux rouges, trois brasiers brûlant en plein air, et comme supend------- . (…)
Un chemin creux s’enfonçait. Tout dispar-----. L’homme avait à sa droite une palissade, un mur de grosses planches ferman------ une voie ferrée ; tandis que s’élevait à gauche un talus d’herbe, surmonté de pignons conf----, d’une vision de village ------ toitures basses et uniformes. Il fit environ deux cents pas. Brusquement, à un coude du chemin, les feux reparur------ près de lui, sans qu’il comprît davantage comment ils brûl------  si haut dans le ciel mort, pareil-----  à des lunes fumeuses. Mais, au ras du sol, un autre spectacle venait de l’arrêt-----. C’était une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d’----- se dress------ la silhouette d’une cheminée d’usine.

2- Tu expliques, en répondant aux questions posées, et en te servant de ton dictionnaire et de ton cahier de grammaire l’orthographe des mots soulignés dans le texte.

Il ne voyait : pourquoi cette désinence au verbe ?

Une mer : pourquoi n’a-t-on pas écrit « mère » ?

Des lieues : pourquoi n’a-t-on pas écrit « lieux » ?

Trois brasiers brûlant : Pourquoi n’y a-t-il pas de « s » à brûlant » ?

Une voie ferrée : pourquoi n’-t-on pas écrit « voix » ?

L’homme avait à sa droite : pourquoi y a –t-il un accent sur « à » ?

S’élevait, à gauche, un talus : pourquoi cette désinence au verbe ?

Surmonté de pignons : pourquoi n’y a-t-il pas de « s » à « surmonté » ?

Près : pourquoi n’a-t-on pas écrit « prêt » ?

Sans qu’il comprît : pourquoi le verbe a-t-il cette désinence ?