Enseigner le français avec Eveline Charmeux

Travailler en groupes, pourquoi ?

Pédagogie des groupes, changement et intégration des connaissances
Par Gaston Lanneau in « la pédagogie contemporaine » Ouvrage coordonné par J.M. Gabaude (1972)

Contrairement à une opinion communément admise, il est plus aisé de changer les attitudes ou les habitudes d’un groupe que celles d’un individu isolé.

Pour vérifier cette hypothèse de travail, Lewin et ses collaborateurs mirent au point une série d’études expérimentales, utilisant trois situations : exposé, discussion en groupe, conseils individuels.
Dans chacun des cas, la nature et la quantité d’informations apportées restaient identiques.
Les résultats confirmèrent l’hypothèse : la technique de groupes se révéla supérieure à la technique individuelle, elle-même supérieure à celle de l’exposé. (…)

Dans la première situation, qui n’est pas sans analogies avec la pédagogie traditionnelle et le cours magistral, l’auditoire est essentiellement passif et surtout, en situation d’infériorité par rapport au technicien, seul détenteur du savoir. Chacun écoute les arguments, en reconnaît peut-être la valeur, mais interprète également les conseils comme des tentatives de manipulation et donc, reste sur la défensive. De plus, dans l’auditoire, chacun reste isolé, ne perçoit des autres que des réactions atténuées, difficiles à interpréter. Si bien que, pour chacun, les normes du groupe demeurent inchangées et l’illusion de la majorité continue à agir. Accepter le changement proposé reviendrait, dans ces conditions, à se mettre en marge du groupe avec tous les risques que cela comporte.
Dans la situation de conseils individuels, où la relation s’effectue de façon analogue à celle du préceptorat, l’individu est encore plus isolé des autres.

Suivre les recommandations du technicien, c’est s’éloigner de ceux du groupe ou de ceux qu’on perçoit comme tels. C’est donc perdre la sécurité, à moins que la relation duelle ne favorise un climat de confiance capable de dissoudre l’angoisse éprouvée devant la nécessité de changer (…)
C’est, en définitive, ce rapprochement psychologique qui peut seul (et seulement dans une certaine mesure) faciliter le changement.

Dans la situation de groupe, le moniteur ou l’animateur reste psychologiquement plus proche des participants. Ceux-ci peuvent exposer les motifs de leur résistance et perçoivent plus clairement la diversité des opinions peu élaborées. Au fur et à mesure que la discussion avance, chacun perçoit plus nettement les opinions des autres et peut même constater leur changement. Chacun se sent soutenu par le groupe. (…)

En définitive, deux facteurs doivent être pris en considération dans le changement :

* la distance psychologique de l’agent de transformation

* la perception de l’évolution des normes dans le groupe.

La résistance au changement diminue lorsque la distance psychologique diminue et surtout lorsque l’évolution des normes du groupe est perceptible