Devant un tel abus de pouvoir — et de bon sens : un collègue, pour qui les fonctions de directeur font évidemment partie de son travail, même s'il n'en a jamais été chargé officiellement, peut-il être privé de ce qu'on ne lui a jamais fourni ? — la révolte, et l'inquiétude de voir une fois de plus les valeurs de la démocratie ébréchées, me contraignent à redire encore ce que j'affirmais naguère, à propos d'un cas précédent, qui ne soulevait de protestations que chez quelques proches :

L'opinion publique n'a-t-elle nulle conscience de ce qu'il y a de dangereux, dans une telle inertie ? A-t-elle oublié son histoire et ce qui s'est passé dans les années 30, tout près de chez nous, presqu'en douce, sous les regard goguenards de ceux qui pensaient que "ce n'était pas si grave après tout et que ça passerait" ?
Combien de fois faudra-t-il rappeler que la mission d'un fonctionnaire est de suivre les directions d'objectifs fixés par l'Etat, mais qu'en démocratie, les moyens ne sont jamais imposés ?
Imposer les moyens, c'est la marque des dictatures, qui, en plus, se trouvent ainsi dispensées d'avoir à fournir les objectifs, qui deviennent sans intérêt - voire inutilement dangereux — aux yeux de ceux qui n'ont qu'à exécuter.


Et si l'on prétend que les collègues ont besoin d'être aidés — ce qui est évident : ils le savent mieux que personne — il est tout aussi évident que cette aide ne saurait consister en ukases précisant ce qu'il faut faire.
Ce que les collègues attendent d'une aide de l'État, c'est de faire en sorte qu'ils puissent avoir une solide formation initiale et continuée et surtout qu'ils puissent avoir tout au long de leur vie d'enseignant un libre accès aux informations et aux outils leur permettant de travailler de façon efficace.
Ces informations et ces outils ne peuvent être proposés (et jamais imposés), que par des spécialistes travaillant scientifiquement sur des hypothèses diverses, parmi lesquelles l'enseignant, parce qu'il a appris à le faire, va pouvoir choisir celles qui lui paraissent les plus cohérentes, et les plus à même de permettre la réussite de tous les élèves.

Je reçois ce matin, de notre collègue "Josèf", un commentaire au billet d'avril dernier, parfaitement d'actualité, qui mérite vraiment d'être reproduit ici :
Il est évident qu'il faut désobéir aux directives officielles qui, si elles peuvent séduire toute une opinion tant cette dernière est mal informée en matière de pédagogie, souvent manipulée (je pense au document que le ministère a cru bon d'adresser à tous les parents d'élèves), à ces directives officielles qui semblent tout ignorer de la personne qu'est l'enfant et de ce qu'est l'apprentissage même. Il est évident qu'obéir à ces directives c'est aller droit à l' échec et conforter ainsi clairement ce gouvernement dans son idée fixe que l'Ecole publique n'y arrive pas... A noter au passage que ce sont toujours les plus défavorisés qui en pâtissent. Et ce n'est pas "l' aide personnalisée" qui y changera quoi que ce soit !
D'ailleurs, il serait bon de savoir exactement les intentions de ce Pouvoir : Veut-il la réussite ou l'échec de l'Ecole ? Et à quoi travaille-t-il secrètement ?
J'ajoute qu'il faut non seulement désobéir, mais clamer haut et fort sa désobéissance. Si quelques enseignants, trop rares encore mais ceci s'explique sûrement par le fait que "le sens commun est rare", si donc quelques enseignants, pour être sûrs de ne pas se tromper, font dans leur classe à peu près l'inverse de ce qu'on leur demande officiellement, et obtiennent quelque résultat à force de temps et de patience, il ne serait pas juste que le Pouvoir le récupère et en tire argument pour augmenter son crédit dans l'Opinion des gens. Il faut bien que le Pouvoir se rende compte que ces quelques rares oasis de réussite et d'épanouissement des enfants procèdent justement du refus d'obéir à des consignes officielles auxquelles un enseignant digne de ce nom ne peut adhérer.


Oui, cher Josèf, il faut clamer fort sa désobéissance... Mais à une condition : qu'elle soit COLLECTIVE et SOLIDAIRE.
La base élèves, personne ne doit la remplir, et ces absurdes évaluations nationales doivent impérativement rester à la cave...
Seule, la solidarité peut s'opposer aux abus de pouvoir...