Non, le fait que les résultats scolaires ne soient pas meilleurs en France n'est pas un scoop. On le sait bien. Les raisons avancées sont nombreuses, généralement extérieures à l'école. Je peux dire pourtant que les principales sont à l'intérieur.
Certes, il ne faut pas oublier toutes les classes épatantes où les collègues se démènent — en général, dans une hostilité épaisse des autorités, des parents et de leurs propres collègues — pour que tous les élèves apprennent ce qu'ils doivent savoir... Mais on sait aussi quel est leur poids par rapport à un majorité... disons, différente
Des raisons à cette faiblesse, j'en vois deux, au moins, d'ordre général + une de mon domaine, la lecture, dont on sait qu'elle conditionne la réussite dans toutes les autres matières.

1- L'école est un lieu où les élèves sont censés apprendre. Or, dans une majorité de classes, le travail des élèves est en fait un contrôle d'apprentissages qui n'ont jamais été effectués en tant que tels. Pour reprendre une formule, assez féroce, de Laurent Carle, mais malheureusement peu contestable, l'école est souvent un bureau d'homologation de savoirs acquis ailleurs.
Tantôt c'est l'enseignant qui fait un exposé, fournissant des informations que les élèves n'ont nullement demandées, et des explications sur des problèmes qui n'en sont pas pour eux, leur demandant ensuite de faire une batterie d'exercices dits d'application de ce qu'ils viennent d'entendre. Où pourrait se cacher ici le moment d'apprentissage effectif ?
Tantôt, on essaie une "méthode active" — très moderne — où il s'agit que les enfants "agissent". Un exemple m'a été donné récemment par un étudiant préparant le concours, qui devait présenter une leçon sur la notion de "narrateur", dans un écrit littéraire : comme il l'a bien précisé, il a choisi de commencer par une activité, en fait un exercice (écrit) demandant aux élèves qui est le narrateur des textes lus précédemment...
Cela paraît sans doute énorme à certains (ce fut le cas pour moi), mais, devant le nombre de propositions faisant la même chose, j'ai dû me rendre à l'évidence que cela paraissait à beaucoup tout à fait normal.
Autre exemple : ayant un travail à faire sur la notion de synonymes, j'ai eu la curiosité de parcourir les nombreux sites pédagogiques qui proposent, pour les collègues, des fiches de préparation, et j'ai découvert qu'il en existe deux sortes : celles qui expliquent d'entrée ce qu'est un synonyme, et celles qui demandent aux élèves de remplacer tel ou tel mot par des synonymes. Comment la notion va-t-elle se construire, nul ne le sait. Elle doit s'installer toute seule, par osmose, je suppose. Certes, ce ne sera pas le cas pour tous les élèves : on se doute qu'on va trouver des "dys-synonymiques", qu'on pourra soumettre aux rééducateurs en synonymie.
Apprendre, ça ne se fait pas comme ça. C'est en se heurtant à des situations nouvelles, qu'on apprend, des situations où les savoirs personnels se révèlent insuffisants ; on apprend en essayant, en expérimentant, en tâtonnant, en se trompant et en réfléchissant avec l'aide des pairs et de l'enseignant sur ce qu'on observe dans tous ces essais. Cela ne se fait ni avec des "exercices", ni avec des discours, même si ces derniers sont nécessaires après la tâche, non pour "corriger" ce qui a été fait, mais pour conduire la réflexion...
Des moments comme cela, il en existe, bien sûr, dans certaines classes... nullement majoritaires, hélas.
S'ils n'apprennent pas, comment voulez-vous qu'ils sachent ?

2- La seconde raison, largement liée à cette première, c'est l'isolement des élèves, enfermés à leur table, soigneusement coupés des autres, des "copieurs" qui "trichent"... Dans une classe de trente-cinq élèves, chaque enfant est seul, face à une détresse totale qu'engendre la chose à faire à laquelle il ne comprend rien. Et il y a pire : cette détresse prend des proportions gigantesques, lorsque l'enseignant... "s'occupe" de lui : on a tous assisté à ces scène déchirantes, insupportables, où un pauvre gamin est la proie d'un enseignant, certes souvent gentil comme tout, mais qui s'obstine à essayer de le convaincre de comprendre, alors que le malheureux n'attend qu'une chose, que ce supplice cesse et qu'on lui fiche la paix.
Cet acharnement pédagogique, véritable forceps, avec lequel l'adulte tente d'obtenir de l'enfant qu'il finisse par accoucher de ce qu'il n'a pas — et ne peut pas avoir — est aux antipodes de ce dont l'enfant a besoin.
Le jour où on aura compris que les enfants apprennent plus de leurs pairs que des adultes, que personne ne peut apprendre tout seul, et que l'isolement face à ce qu'on ne sait pas faire est le pire ennemi d'un apprentissage, on aura peut-être des résultats effectifs (pas ceux de PISA) plus satisfaisants et des enfants plus confiants de venir à l'école.

3- Le côté "lecture". Comment voulez-vous que les résultats soient bons en "compréhension" (même si on ne sait pas vraiment ce qu'il faut "comprendre" sous ce terme), puisque la compréhension n'est nulle part l'objet d'un apprentissage ?
Quand on en parle auprès des collègues, la réponse est toujours : Vous savez, j'attache la plus grande importance à ce qu'ils comprennent et je pose toujours des questions de "compréhension". C'est-à-dire qu'on vérifie une compréhension qu'on n'a jamais apprise. Les opérations mentales par lesquelles on construit, dans une situation donnée, le sens requis par cette situation, permettant de résoudre les problèmes qui s'y posent, ces opérations-là ne sont dans aucun programme, et sont largement ignorées d'une majorité de collègues, persuadés (on fait tout pour ça) que si les élèves savent oraliser ce qui est écrit, ils doivent comprendre — et s'ils ne comprennent pas, c'est qu'il sont dyslexiques ou affligé d'un autre "dys" nouvellement sorti des théories officielles, qu'on s'empressera de soigner.
Hélas, tout prouve qu'il n'en est rien... Mais dans ce domaine, la cécité, la surdité, et la fermeture du bon sens sont de mise : on continue, imperturbables, tels les juges de Galilée, à affirmer que la terre est immobile et que c'est l'oral qui permet de comprendre l'écrit.
Alors, les gamins n'ayant jamais eu à comprendre que des écrits qui ne servent à personne et dont on ne se sert jamais, ne savent pas lire les consignes de travail, la documentation qu'on met à leur disposition, les leçons qu'ils ont à apprendre, les sujets d'examen, les polices d'assurances, les textes de lois et les poèmes de Guillevic.

Et ne parlons pas de l'écriture... Comme dit Sganarelle, ce serait un sujet à durer jusqu'au soir.
Si on laissait un peu PISA de côté (ce qui serait sa place) pour travailler un peu sur les trois domaines évoqués ici... ?