Telle qu'elle est formulée, elle laisse en effet, supposer qu'il faudrait prévoir de nombreuses séances d'évaluation, pour fixer un savoir récemment acquis en classe.
Certes, l'info ne concerne en fait que des élèves de terminale : ce que l'ESPÉ de Nantes a conçu ici, ce sont des fiches d'auto-évaluation pour les élèves de ces classes.
Mais on sait bien ce que notre Ministre va en conclure : dès le plus jeune âge, il va donc falloir envisager de fréquentes évaluations des savoirs enseignés à l'école.
Et, alors, je viens, une fois de plus, crier : DANGER !

La psychologie des apprentissages nous apprend... ce que chacun a pu découvrir lui-même, étant élève, —à condition de ne pas l'avoir oublié — à savoir que l'évaluation est un moment de stress qui, s'il se répète trop souvent, en arrive à bloquer l'apprentissage au lieu de le consolider.
De plus, on le sait une personne, comme un élève, ne s'évalue pas unilatéralement et de l'extérieur, comme un objet : seule l'évaluation participative respecte la personne de l'élève, quel que soit son âge. Quant à s'évaluer soi-même, cela reste une situation artificielle, peu compatible avec l'enfance, et difficilement rigoureuse même pour des adultes, donc forcément peu efficace.
La pédagogie est un métier qui doit s'apprendre et le plus grand neurologue du monde ne l'a, évidemment, pas appris. Et quand on n'a pas appris quelque chose, on ne peut l'utiliser qu'à partir des clichés sociaux et des idées reçues.
C'est ce qui se passe ici.

Que dit en effet cette recherche ? Qu'il faut se servir de ce qu'on vient d'apprendre pour pouvoir le consolider et le garder.
Conclusion tirée des idées reçues : pour pouvoir utiliser un savoir qu'on vient d'acquérir, il faut l'évaluer très vite et très souvent.

Eh bien, justement : non ! Et ce, pour deux raisons :
* Evaluer immédiatement est inutile et même contre-productif, car il faut du temps à un savoir nouveau pour trouver sa place au milieu des savoirs présents auparavant : il ne s'y ajoute pas, il les perturbe en arrivant et les contraint à se réorganiser ;
* Vivre une évaluation n'a que peu à voir avec ce qu'on appelle "utiliser ce qu'on a appris". Cela n'a de sens qu'en situation dite "vraie", c'est-à-dire, une situation dont l'objectif n'est pas scolaire, et qui appartient à des projets personnels, ou sociaux.
Et cela s'appelle, la pédagogie du projet
On n'a pas attendu les neuro-sciences pour le savoir !

Rappelons rapidement ce qu'est la pédagogie du projet.
Une organisation du travail en classe qui répartit les activités dans deux types de moments, qui doivent être très clairs pour les enfants :
1- des moment d'apprentissage proprement dits, où se construisent et se développent les savoirs constituant les compétences indispensables à la construction de l'autonomie des élèves — lesquels, normalement, sont indiqués dans les programmes...
2- des moments de mise en œuvre sociale des compétences en voie d'acquisition, à travers des projets sociaux, sortant de la classe et même de l'école, où les enfants, travaillant en équipes, font trois découvertes essentielles pour leur motivation à apprendre :
* ils découvrent à quoi sert ce qu'ils apprennent en classe ;
* ils découvrent qu'il savent des choses — et c'est indispensable pour leur donner envie d'en apprendre davantage ;
* ils découvrent les limites de ces savoirs personnels.

Sans réinvestissement dans des situations en vraie grandeur, non scolaires, le savoir acquis ne tient pas la durée. Tous les adultes l'ont observé sur eux-même.
Et ça n'a rien à voir avec une évaluation, ni même avec des "tests", qui, certes, font scientifique, mais restent dans cet artificiel, qui a fait et continue de faire tant de mal à l'école.