(1) Voir le le site de D. Mermet, chronique du 02 mai : https://la-bas.org/
Régalez-vous avec cette interview, notamment dans la dernière partie lorsque Mordillat énumère toutes les raisons que devrait avoir un vrai Chrétien d'imputer l'incendie de Notre Dame à la colère divine... auxquelles aucun n'a pensé.

Ce qui se passe actuellement à propos des apprentissages premiers, notamment en lecture (mais nos collègues matheux en disent autant de leur côté) est d'une gravité de plus en plus préoccupante, sans pourtant préoccuper grand monde, uniquement occupés que sont ceux-ci, par ce qui manque dans leur porte-monnaie et dans leur liberté.
Sans nier l'importance — incontestable ! — de ces deux domaines, on peut tout de même déplorer que, dans sa grande majorité, l'opinion publique puisse, sans broncher, admettre de voir infliger aux enfants des pratiques, non seulement ridicules, mais erronées scientifiquement et de nature à détruire par avance leur conduite de lecture.

Voici ce qu'annonce la DEPP :
* Entre les deux évaluations de CP, "les progrès sont nets" en ce qui concerne le principe alphabétique et la conscience phonologique. Pour la manipulation des phonèmes, "la proportion d’élèves en difficulté baisse de 22 % à 13 %", ce qui signifie qu' "un peu plus d’un élève sur dix ne maîtrise pas les bases phonologiques nécessaires pour apprendre à lire".
* qu'en début de CE1, près d’un tiers des élèves "ne lisent pas plus de trente mots en une minute" et sont donc considérés comme "fragiles" ou "à besoin", et près d’un élève sur cinq "n’écrit correctement que six syllabes sur les douze dictées".

Pour ce qui est des "bases phonologiques nécessaires pour apprendre à lire", dont on attend toujours qu'on démontre en quoi elles sont nécessaires à la maîtrise de la lecture, c'est-à-dire, d'un système de signes visuels permettant de communiquer à distance, l'erreur fondamentale de cette affirmation a été dénoncée depuis des lustres.
Même constat pour les dictées de syllabes, dont on cherche désespérément les rapports qu'elles peuvent entretenir avec l'acte de lire.
Ce qui est beaucoup plus grave, parce que plus récent et avec une apparence trompeuse de scientificité moderne, c'est la fameuse "fluence", et les exercices auxquels elle donne lieu, objet d'un contresens monumental, interprétée officiellement comme une accélération de l'oralisation, à l'opposé de ce qu'elle est effectivement.

Certes, il est avéré que la compréhension va de pair avec une grande vitesse de lecture.
Mais, — j'invite ici à se reporter aux travaux qui, de Javal à Richaudeau et son équipe, ont démontré ce fait —, cela ne dépend nullement de la vitesse de lecture linéaire, mais de la taille de l'empan visuel. C'est elle qui rend possible une exploration du texte beaucoup plus approfondie, grâce aux mises en relation qu'elle permet.
Ce qui peut l'agrandir, et donc augmenter la vitesse de lecture, c'est une approche explorante des textes à lire, avec un entraînement ludique à voir, à chaque fixation de l'œil, des plages de texte de plus en plus grandes, et à mémoriser en tant qu'hypothèses ce qu'on vient de comprendre.

Ce qui est scandaleux dans l'interprétation officielle, outre un contresens affirmé sans vergogne, et un ridicule total, c'est le dressage imbécile auquel elle conduit, à la fois dangereux au plan des apprentissages et inadmissible au plan moral.
Alors, pour s'amuser un peu, tout en alimentant la révolte, plus urgente que jamais, voici une question autour de trois exemples de "choses à lire" .
J'aimerais savoir si l'on a vraiment le droit de penser que les enfants vont passer, de façon évidente comme on nous le fait croire, du premier exemple ci-dessous, aux deux autres ?

1-

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Où vous avez reconnu une page de l'immortel "Lire avec Léo et Léa".

2-



Titre d'un article du "Monde" consacré au dernier film de Pierre Godeau adapté d'un texte de Sempé.

3-



Titre d'un article de presse, évoquant une dangereuse défaite du TFC toulousain

Avec ce que les "lectures" de Léo et Léa leur ont appris, les enfants sont-ils armés pour "comprendre" ces deux titres de presse, les lectures exigées dans les études, et le dernier prix Goncourt ?
Ne peut-on craindre que, non seulement il leur manque à l'avenir certains apprentissages, mais que certaines habitudes prises ne leur ferment définitivement la porte à une lecture efficace ?