J’ai regardé « La fabrique de l’ignorance » sur Arte.
On y montre un prix Nobel mettre sa notoriété au service de l’industrie chimique qui fabrique des plastiques en bisphénol A.

Ce que j’ai entendu sur les rapports entre la science, les multinationales de l’industrie, les scientifiques auteurs de travaux de diversion au service de celle-ci, l’idéologie qui réunit croyances et superstitions y compris chez les scientifiques, est transposable aux rapports entre la pédagogie, l’école à la française, les gardiens du temple, la science de diversion dite neuroscience, les groupes de pression et l’idéologie dominante dans les cerveaux enseignants.
L’industrie empoisonne les corps, l’école, les esprits.
L’industrie vise l’augmentation des bénéfices financiers de l’entreprise quoi qu’il en coute aux consommateurs et à l’humanité.
L’école empêche les enfants du peuple d’entrer dans le management, le concert républicain et la culture.
Les scientifiques de la diversion, gardiens du temple, au service des marchands de méthodes et des classes dominantes, n’ont rien à envier à leurs homologues de l’industrie.
Aujourd’hui, l’ignorance n’est plus une simple absence de connaissances.

Les scientifiques collaborationnistes font de la recherche en laboratoire pour produire du faux, destiné à occuper les cerveaux. N’est-ce pas ce que fait Stanislas Dehaene, dans l’intérêt des fabricants de méthodes, pour brouiller la pensée des enseignants qui seraient tentés par la pédagogie de la lecture? Les méthodes de « lecture » ne sont pas des erreurs didactiques commises de bonne foi. Ce sont des poisons cognitifs, vendus comme nourritures intellectuelles, destinés à empêcher les enfants de parents non lecteurs d’apprendre à lire, des armes par destination.
Après le volet La fabrique de l’ignorance, sur les abus de l’industrie, j’attends celui sur ceux de l’école.

C’est évident et ce documentaire laboure le même sillon que celui creusé par les pédagogues, depuis toujours, sur ce qui, dans l’école, fait barrage à la pédagogie et à la démocratie scolaire, à savoir les intérêts culturels des classes dominantes, la perpétuation de leur domination, la propagation de leurs « valeurs », l’organisation pyramidale et les missions de reproduction du système scolaire qui sauvegardent le monopole et les privilèges de l’oligarchie.
Quand la vérité ou les faits rencontrent l’idéologie, la dissonance cognitive détourne le regard de ceux qui croient savoir et ne savent que croire. Cela s’appelle déni.

Quand je dis « barrage à la démocratie », je ne parle pas seulement de la logique de gouvernance ministérielle et de ses abus de pouvoir. Je pense autant à celle et à ceux que les professionnels du système scolaire font subir aux enfants.
L’empoisonnement est systémique et collectif.
Ce ne sont pas les adultes qui pâtissent le plus de la carence démocratique et pédagogique. Petit écolier deviendra grand.


Deux mots de l'hôtesse du blog,

Juste, pour ajouter, à l'appui de tout ceci, quelques exemples concrets.
Quand un ministre centre ses premières réformes, rapidement imposées, sur l'apprentissage de la lecture, instrument essentiel d'émancipation et de liberté, ainsi que sur le travail des premières années de la scolarité, années absolument déterminantes pour l'avenir des apprentissages, cela ne peut pas être un hasard. Le but visé concerne évidemment le degré d'émancipation future qui sera celui des adultes que deviendront les enfants.
Or, quand il apparaît que les réformes autoritairement imposées installent des conduites de lecture et de production d'écrits exactement contraires aux conduites efficaces, et démontrées telles, depuis de nombreuses années, par des travaux dont le sérieux scientifique est incontestable et incontesté, il est clair que ces réformes n'ont d'autre but que de limiter au maximum le pouvoir libérateur de la maîtrise de l'écrit.
Quand on découvre que ce même Ministre impose dès le plus jeune âge des contenus d'apprentissage abstraits (la relation phonèmes/graphèmes, par exemple) inaccessibles à la compréhension d'enfants de six ans, qui ne peuvent être mémorisés à cet âge que par une démarche de dressage, dont on sait qu'elle tue, par avance, toute autonomie, rendant le sujet parfaitement docile et soumis, force est d'admettre que le but visé, ici, n'est autre qu'une population armée de savoirs superficiels, largement erronés, et inutilisables, facile à manipuler et formée à obéir.
Et quand, en plus, on se rend compte que ces ordres actuels du Ministre ne consistent qu’à entériner et renforcer ce qui se fait majoritairement depuis cent cinquante ans, rendant seulement de plus en plus marginal, dissident, voire délinquant, le travail de ceux qui, depuis le début, proposent autre chose pour l'école, on ne peut que se rendre à l'évidence : l'école aussi est une « fabrique de l'ignorance »...

Peut-on l'accepter ?
Sûrement pas, et moins encore quand on voit qu'à l'ignorance, peut s'ajouter une répression inadmissible contre des enseignants qui font la classe autrement, et qu'on lit la "lettre aux élèves du CM1A" d'Hélène Careil,ou celle d'un des groupes de soutien dont voici le lien :
https://revolutionpermanente.fr/Bobigny-250-enseignants-en-soutien-a-Helene-menacee-de-repression
Et voici ce que dit Philippe Meirieu : "Lisez bien cette lettre d’au revoir d’Hélène Careil à ses élèves. C’est un condensé d’humanité.Vous avez sous les yeux l’exemple d’un geste administratif absurde, autoritaire, indigne, et très inquiétant. Hélène, enseignante Freinet, a subi une mutation forcée."