Que lui reproche-t-on ?
D'avoir mal géré la crise sanitaire ? Il n'est pas le seul et l'on pourrait presque dire qu'il n'en est guère responsable, étant soumis à un gouvernement qui tenait fermement les commandes.
D'avoir une politique autoritaire ? Il n'est pas le seul là non plus : La gestion verticale du pays n'est plus à démontrer.
Non. Ce qui est grave, c'est que son autoritarisme est bien plus dangereux encore que celui d'un dictateur.
Pourquoi ?
Parce que — c'est Catherine Nave-Bekhti, patronne du SGEN CFDT, citée dans le dossier de presse, qui le dit — son autoritarisme est celui d'un missionnaire.
On sait jusqu'où les missionnaires ont été capables d'aller, pour imposer leurs convictions :
Ce côté missionnaire le rend hermétique à la contradiction, et plus largement, au débat d'idées. Même quand il vous dit vous avoir compris, vous vous rendez rapidement compte, au vu de ses actes, que ce n'est absolument pas le cas..
Enfermé dans son désir d'action efficace, — à ses yeux, évidemment — il considère tout débat, toute négociation, comme menant à des "compromis foireux", interprétation particulièrement commode... pour son propre repos.

Être missionnaire, ça peut être beau... Pas toujours : tout dépend de la qualité de la mission ! Cela reste néanmoins fort dangereux, ne serait-ce que par le côté "absolu", incompatible avec la chose humaine.

Et c'est là qu'est le pire de Blanquer : sa conviction quasi religieuse, est capable de conduire aux plus atroces excès pour imposer ce qu'il croit juste et nécessaire. Or, de l'atroce, il y en a partout dans ses réformes : mais quand on les lui fait remarquer, il balaie l'objection d'un "Mais non ! Des évaluation, ça ne fait de mal à personne !!"

Eh bien SI, Monsieur le Ministre, des évaluations, ça fait du mal, et pas qu'à quelques-uns, et dans ce que vous avez installé, il n'y a pas que les évaluations qui sont des catastrophes. Au point qu'une collègue, Emmanuelle Johsua, est allée jusqu'à exiger qu'il donne des excuses, dans sa "lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer en 31 points", qu'elle énumère dans un billet de son blog sur Mediapart (2).
Trente-et une fautes incontestables... La liste, pourtant, n'est pas complète : est oublié tout ce qu'il a fait à l'école primaire.
C'est là, en effet, qu'il a commis les ravages les plus graves. Or, de toute la scolarité d'un enfant, l'école primaire, avec la maternelle, est, de loin, la partie la plus importante, celle qui se déroule à un moment d'extrême fragilité des petits, celle qui laisse des traces, parfois indélébiles.
Alors, à ces 31 fautes inexcusables au collège et au lycée, j'ai considéré qu'il fallait en ajouter quelques autres, que voici.

32 : Pour avoir oublié dans chacune de vos injonctions qu’un élève est un être humain, qu’on ne manipule pas n’importe comment, je vous demande de vous excuser.
33 : Pour avoir imposé un enseignement de la lecture qui n’enseigne que le déchiffrage et empêche les enfants d’apprendre à lire, je vous demande de vous excuser.
34 : Pour avoir confondu lecture, lecture à haute voix et déchiffrage oralisé, ce qui, déjà grave chez un élève d’Inspé, est impardonnable chez un Ministre de l’Education Nationale, je vous demande de vous excuser.
35 : Pour avoir osé imposer un entraînement à la rapidité de la lecture à haute voix, pratique stupide, ridicule et dangereuse aux enfants, en prétendant que c’est nécessaire à la « fluence » en lecture, contresens des plus grossiers, je vous demande de vous excuser.
36 : Pour avoir humilié les enseignants en les inondant de brochures censées leur expliquer comment ils doivent travailler, je vous demande de vous excuser.
37 : Pour avoir mis effectivement en danger des enfants de six ans, et moins, par des évaluations inutilement stressantes et consommatrices d'un temps précieux pendant lequel ils n’apprennent rien, je vous demande de vous excuser.
38 : Pour avoir imposé, sans la justifier, une conception des « fondamentaux » de l’école, rejetée par tous les pédagogues, je vous demande de vous excuser.
39 : Pour avoir nié, ignoré, balayé d’un revers de la main, quarante années de propositions solides en pédagogie de l’école maternelle et primaire, je vous demande de vous excuser.
40 : Pour tout le mal que vous avez fait aux enfants, aux parents, aux enseignants, aux chercheurs et aux pédagogues que vous avez insultés, je vous demande de vous excuser.
Ce serait la moindre des choses car rien de tout cela n’est excusable.


Question : Pourquoi ce sont toujours les profs de collège et de lycée qui se révoltent, et pas les prof des écoles ?
Dites-le-moi...

(1) L'OBS de cette semaine sous le titre : "Jean Michel Blanquer : les illusions perdues"
(2)https://blogs.mediapart.fr/samy-johsua/blog/150122/lettre-ouverte-jean-michel-blanquer-en-31-points