Comme il est possible que la notion d'Affelnet ne fasse pas partie du quotidien de plusieurs d'entre nous, il est nécessaire d'éclairer un peu cette lanterne.
Affelnet est un logiciel, créé en 2008, dans un but des plus louables, celui de favoriser la mixité sociale dans les lycées. Il s'agit d'une procédure informatisée d’affectation, déployée sur les académies, qui vient remplacer la sélection manuelle antérieure. Ceci, pour obtenir plus de transparence dans la procédure d'affectation des élèves de troisième souhaitant entrer en seconde de lycée, et atténuer, voire, faire disparaître, le désir, partagé par beaucoup de lycées, de pouvoir "choisir" les élèves sollicitant leur entrée chez eux...

L'objectif de mixité sociale a très vite été considéré comme une erreur, nuisant au prestige de certains lycées, qui ont protesté et, comme Henri IV et Louis le Grand, ont même réussi à être dispensés de devoir l'utiliser.
Or cette dispense, qui n'était que provisoire, doit être annulée cette année.
Grand bruit de révolte indignée dans le Landerneau huppé : personnel de ces lycées, élèves, parents d'élèves, tous hurlent à la catastrophe, baisse du niveau, dévalorisation des lycées d'excellence.

Ceux qui défendent le décret font valoir que le recrutement du logiciel se faisant en grande partie à partir des notes obtenues par les élèves, de "bons élèves", avec de "bonnes notes" existent aussi dans les collèges de banlieue, et qu'il ne peut donc y avoir — chose atroce, impensable ! — aucun "Segpa" à Henri IV, ou à Louis Le Grand.

Pour répondre à cela, Emmanuel Garot, le porte parole des opposants, développe une argumentation, absolument lumineuse sur la mentalité de certains décideurs en ce domaine, et qui pose de nombreuses questions.
Il commence par rappeler, avec véhémence, que les notes n'ont pas les mêmes valeurs partout (Tiens, Tiens !), et que le 16 d'un collège défavorisé, ne vaut guère plus qu'un 11-12 du même collège Henri IV...
Il ajoute ensuite, avec une bizarre empathie pour ces pauvres élèves "défavorisés", la crainte que ceux-ci ne voient ainsi leurs notes s'effondrer, dès leur arrivée au lycée, considérant cette chute comme inévitable, donc normale...
Surtout, la dernière phrase de sa plaidoirie offusquée, mérite d'être citée, comme on peut le voir, tant elle plonge le lecteur dans un abîme d'interrogations et de réflexions.

Le risque existe de devoir payer cher cette hétérogénéité, au prix de l'excellence qui a fait la réputation de ces deux lycées, lesquels forment indiscutablement une partie des élites de notre pays.

Des questions nombreuses ? En voici quelques-unes :

* De quelle "excellence" s'agit-il ?
* Qu'est-ce qu'une "excellente" école ?
* Peut-on affirmer (sans rire) que l'excellence de ces établissements prestigieux — dont la vocation est évidemment d'enseigner — repose sur la pédagogie qui est mise en œuvre dans ces établissements ?
* Si la note semble un critère si peu fiable, quels autres critère choisir ?
* Si leur vocation est de "former les élites", en quoi peut consister cette "formation" ?
* Au fait, des élites, qu'est-ce que c'est, à quoi ça sert, et qu'attend-on d'eux ?
* Précisément, avons-nous à être si satisfait que cela, aujourd'hui, des élites de notre pays et de leur formation ?
* N'y aurait-il pas avantage à revoir celle qu'ils reçoivent actuellement, en reprécisant ses objectifs ?
* Est-il nécessaire que des lycées spéciaux soient affectés à cette formation ?
* En quoi, des élèves de banlieues moins favorisées que le centre parisien, pourraient-ils être une gêne à leur formation ?
* Ne pourrait-on pas affirmer, au contraire, qu'ils ont peut-être des richesses à y apporter ?
* Ce refus violent de mixité sociale, n'est-il pas, en fait, un refus de la Démocratie ?
* Comment en ramener la notion dans les esprits de ceux qui agissent sur notre avenir ?

Personnellement je pense qu'une réponse globale à toutes ces questions — à celle du titre et à la dernière ! — se trouve à l'école primaire, à condition que la Démocratie y soit en action, et que les enfants s'en abreuvent, au point qu'elle entre dans leur nature : l'excellence dans une école, c'est quoi ? C'est la Démocratie vivante de son fonctionnement !

Ce n'est pas gagné ! dites-vous ? Et le résultat n'est pas pour demain.
Certes, et alors ? Autant s'y mettre tout de suite !
Et rien n'empêche de le faire : on n'a rien à perdre.
On doit voter bientôt : vous l'avez remarqué ?