On croit rêver, effectivement.
Hélas, c'est bien une triste réalité : le « plan d’action pour l’école maternelle », (Note de service du 10 janvier 2023), utilise, apparemment sans rire, les mêmes termes que ceux d'octobre dernier qui annonçait ce plan.
Comment des adultes qui ont — ou ont eu — des enfants peuvent-ils affirmer, sans rire, une pareille énormité ?
Comment un ministre chargé de gérer, entre autres, l'école des plus petits, peut-il, même simplement, penser que les besoins importants d'un enfant de cet âge, sont le langage, — qui plus est, comme ça, en l'air, on parle pour parler et parce qu'il faut parler !

Mais monsieur le ministre, ce n'est pas comme ça que ça marche ! On ne "fait pas parler" un enfant : seuls les Nazis pratiquaient cette activité, avec des adultes, et encore : ça ne marchait pas toujours !
Quant aux mathématiques, à trois ans, vous les installez comment en classe ?
En faisant une leçon ?

Décidément, ce n'est pas sérieux.
Et d'autant moins que le ton sur lequel c'est demandé n'est pas sans inquiéter : Dominique Bucheton dans sa chronique s'en émeut : La tentation d’une politique « totale » pour ne pas dire « totalitaire », instrumentée par un nouveau comité Théodule : « le conseil académique des savoirs fondamentaux ». Chargé d’évaluer, analyser les résultats de tous les tests nationaux qui vont encore se multiplier à outrance à chaque mi trimestre, ce comité devra formater à partir de là des directives, des bonnes pratiques, des formations.

L'après Blanquer, c'est comme avec Blanquer : pas de changement... Hélas !
Et, on devait s'y attendre, en bonus, le totalitarisme :
Bien sûr aucune instance de recherche ou de concertation d’élus de la nation, d’associations de professionnels, syndicats n’est convié à l’élaboration de ce super management. Le projet a des dimensions presque grotesques dans les détails de certaines préconisations (le nombre de mots, de lignes à lire ou écrire par cycle en début ou fin d’année, etc… Le nouveau ministre opère comme son prédécesseur, il passe en force par-delà les règles institutionnelles.
Surtout, cela s'accompagne d'un mépris inouï, pour le professionnalisme des enseignants, à qui le ministre, qui ignore beaucoup de ce qu'est l'école, et ne connaît pas le mot de "pédagogie", se permet de donner des leçons ! Humanisme, Respect des autres, Démocratie, où êtes-vous ?

Mais le pire, ce sont les dangers auxquels les enfants vont être exposés.
Avant leurs six ans (et souvent après aussi !), les enfants ont avant tout, avant les maths et même avant le langage, un besoin vital de BOUGER, pour explorer toutes leurs ressources motrices. Depuis leur naissance, on le sait bien depuis les travaux de J.P. Changeux, tous leurs apprentissages, intellectuels et autres, se sont construits dans et par leur corps.
La première des urgences scolaires à cet âge, est en réalité de développer leur motricité, par des activités collectives où vont s'inclure d'autres apprentissages, rendus nécessaires par l'activité même.
Ce que le ministre semble ignorer complètement, c'est qu'à trois ans (et même après) le langage de communication ne peut apparaître et se développer, que par le biais d'activités motrices et en relation avec elles.
En dehors d'elles le langage en classe ne sera que celui des "grands parleurs", ces enfants favorisés, à qui on parle dans la famille, et qui ont déjà l'habitude de prendre la parole.
Voilà pourquoi, si on applique à la lettre les propos du ministre, on va creuser, de plus en plus, le fossé qui sépare les "favorisés" des autres.
Quant aux mathématiques, c'est à partir du matériel de ces activités, qu'on va pouvoir les aborder et de façon concrète, et "vraie", en étroite liaison avec les nécessités des activités elles-mêmes, sans prétendre faire des mathématiques, en se contentant de réciter la suite des nombres.
On le sait — mais nos ministres n'ont pas l'air de le savoir — enfant ou adulte, c'est en agissant, qu'on apprend — et jamais en écoutant des explications, surtout quand celles-ci ne répondent à aucune question.
"L'école active" ne date pourtant pas d'aujourd'hui...
Comment faire pour que des savoirs, qui ont pourtant plusieurs décennies d'âge, parviennent à s'élever jusqu'aux instances les plus hautes qui nous dirigent ?
Si vous avez la réponse, il est urgent de la faire connaître à tous.