Les commentaires qui accompagnent le billet précédent, où était posée une question importante d'éducation, la notion d'obéissance, conduisent naturellement à la question du titre de ce billet : punir, est-ce éduquer ?
Et dans un des commentaires, j'ai répondu à l'ami Laurent ceci :
Pour moi, les mots sont essentiels : l'obéissance comprise et acceptée n'est plus de l'obéissance : c'est de l'intelligence ! L'obéissance, c'est de la soumission bête, c'est suivre sa peur et c'est ne pas être maître de ses choix. Si j'ai compris pourquoi on me demande de faire (ou de ne pas faire) telle chose, je n'ai aucune raison de ne pas suivre cette demande. Donc, je n'ai pas à obéir : je fais mienne la proposition qui m'est présentée, et c'est librement, que je l'applique. A mes yeux, la distinction est capitale.


Il est clair que Gabriel Attal n'en est pas rendu à ces subtilités : il ne s'abaisse pas à vérifier si la faute est le résulta d'une maladresse, ou d'une mauvaise compréhension de la consigne.
Souhaitant, en cas de faute grave, une comparution immédiate des jeunes, dès 16 ans, il affirme avec véhémence qu'il n'y a "aucune raison qu'un jeune de cet âge ne puisse être sanctionné immédiatement après les faits".
Ben voyons, devant des faits répréhensibles, on sanctionne ! Il n'y a évidemment rien d'autre à faire.
Comme dit le bon peuple, ça lui apprendra !
Et plus on osera le faire à des adolescents jeunes, mieux ils seront prévenus de ce qui les attend !

Sauf que la punition n'a jamais rien appris à personne : comme nous l'affirmions l'an dernier : rarissimes sont les cas où une menace de punition, même terrible, a effectivement arrêté une désobéissance d'enfant ou d'ado. Il n'est que se rappeler sa propre jeunesse pour n'en plus douter. Ajoutons que "la perspective des conséquences fâcheuse" n'a d'autre effet, en général, que de développer intelligence et roublardise, pour les éviter, tout en menant le projet prévu à bien — et avec tous les risques que cela comporte"... Auxquels il convient d'ajouter les désirs de vengeance, qui mettent en place la plus dangereuse et la plus imbécile des cascades.

Il faut voir les choses en face : le moteur que la sanction veut mettre en place, c'est la peur. Gabriel Attal, qui fonctionne par clichés, s'imagine que ça suffit à arrêter tout projet fâcheux : oh! lala ! On va me faire mal, alors je n'ose pas...
Mais, pas du tout, Gabriel ! ! Ça ne marche plus comme ça, depuis un bout de temps...
Et c'est tant mieux, car ce n'est pas joli, joli, comme réaction.

Surtout, c'est le contraire d'une EDUCATION : c'est, très exactement, ce qu'on appelle du dressage, avec les conséquences catastrophiques qu'entraîne, pour la santé morale de l'enfant, le fait d'agir régulièrement sous le coup de la peur.
La peur est la plus mauvaise conseillère du monde : c'est bien connu. D'abord, c'est un moteur qui rabaisse l'individu, et qui l'empêche de réfléchir, car il met en place des réflexes dangereux de protection.
Ensuite, mettre en place une réponse "punitive", donc qui fait mal physiquement ou moralement, ce qu'on appelle une "sanction", n'a aucun pouvoir éducatif : non seulement, elle ne fait pas réfléchir, mais elle tue la réflexion. Dans le meilleur des cas, elle ne développe que l'art de s'en protéger — pire, celui d'en être fier.

Alors que faut-il faire, devant une faute grave d'un enfant ou d'un ado ?

Pour notre actuel ministre de l'Education — même s'il ne l'est plus parce qu'il est monté en grade —, il s'agit d'avoir un "sursaut d'autorité". Pour lui, une seule solution : la sanction. Bien la preuve qu'il n'a pas beaucoup réfléchi : les exemples innombrables prouvant l'inefficacité de cette réponse, devraient l'avoir conduit au doute sur ce point, et depuis longtemps.
OUI, mais monsieur Attal ne doute point.

Il est intéressant de comparer cette réponse officielle, aux écrits d'un grand de la pédagogie, monsieur Meirieu, où l'on trouve une notion, qui occupe une place essentielle dans ses écrits, celle d'Educabilité : terme que notre ministre ignore superbement (il n'y a pas que celui-là !!).
C'est à dire ?
Tout simplement, que la solution se trouve du côté des apprentissages, et non des sanctions : celles-ci n'ont aucune vertu, autre que faire souffrir. Pour qu'un jeune — ou un, qui n'est plus si jeune — cesse de faire des sottises, il faut qu'il change, et, en particulier qu'il apprenne quelque chose.
Seul, du positif peut agir.

Quelles choses, et quels apprentissages ?

1- D'abord, un devoir pour les adultes : devant une vraie "faute", ils — notamment Gabriel Attal — doivent apprendre à se libérer de la réaction spontanée, des gestes que l'on regrette aussitôt, et, au plus vite, sortir de l'affectif pour prendre conscience des données de la situation et calmer le jeu : si le "punisseur" est calme et bienveillant, le coupable pourra prendre conscience de ses erreurs et non chercher à se disculper à tout prix. Il faut en effet rappeler à monsieur Attal, qui ne lit pas suffisamment Philippe Meirieu (mais, lui arrive-t-il de lire ?) que tout enfant ou adolescent est "éducable".
Donc, comme on dit en pédagogie et en psychologie, "passer au méta", c'est-à-dire, aider l'enfant à passer du vécu, à la prise de conscience de celui-ci.

2- Poser des questions calmes, destinées à clarifier les raisons de ce qui s'est produit...

3- Entrer rapidement dans un dialogue sur ce qui se passe, ce qui a pu provoquer ce petit drame et ce qu'on peut faire pour sortir de cette situation embarrassante. Et tout cela, comme si la "faute" ne présentait aucune gravité.

4- Ne prendre aucune décision sans avoir clarifié et dédramatisé la situation.

Bref, prendre le "coupable" au sérieux, mais surtout pas sa "faute": faire comme si on ne voyait, en elle, que maladresse — et, même si l'on a des raisons de penser que la "faute" était bel et bien intentionnelle, ne jamais le dire : au contraire, en minimiser toujours la gravité — alors qu'on a tendance à faire spontanément le contraire !
L'erreur commise ici, la plupart du temps, c'est d'oublier, ou d'ignorer, que, pour le gamin fautif, la faute est objet de fierté.
Aussi est-il beaucoup plus formateur d'oublier cet aspect glorieux, de le minimiser au maximum, en rappelant, par exemple, que celle-ci est bien connue, qu'elle est souvent commise dans la vie, dès que quelqu'un vit une situation difficile, et qu'elle n'a rien de dramatique.
Si elle a provoqué des dégâts matériels, et sans s'enfermer dans d'inutiles — et très contre-productifs — discours de catastrophe, avec reproches à la clé, mettre sur pied, avec le coupable, un programme de réparations possibles, en précisant, avec lui, les dates et durée de celui-ci, avec les moyens à mettre en œuvre, et surtout sans associer ce projet à la notion de "punition" : c'est parce que la situation est nouvelle, et qu'elle engendre de nouveaux problèmes, qu'il faut chercher, et trouver — ensemble — des solutions.

Tout cela porte un nom : c'est ce qu'on nomme : "une réaction raisonnable et utile", c'est-à-dire, un réaction qui fait avancer les choses dans une direction positive.
Rien à voir avec la vilaine notion de "sanction", notion négative, s'il en est, et qui ouvre la voie à toutes les formes d'escalade, et surtout, dont le pouvoir éducatif est nul. Le fameux "ça lui apprendra" est une grossière erreur : toutes les analyses de situations, depuis des années, le prouvent.
Mais voilà, notre ministre ignore les analyses. Du haut de son triste bagage de connaissances toutes faites, héritées de l'Ecole Alsacienne, mais qu'il n'évoque même pas, il affirme, péremptoire, et convaincu d'avance d'avoir raison, tout seul.
C'est même curieux de voir une personne à ce point vide de références : pas la moindre citation dans ses propos. En fait, il ne possède que lui-même. Il ne remet rien en question, il ne doute en rien, pétri d'idées reçues, et convaincu de tout ce qu'il croit savoir, sans se rendre compte que des savoirs sans référence ne sont que des idées reçues, vides et sans intérêt aucun.
Un comportement qui n'est pas à la gloire de l'Ecole Alsacienne où il a fait ses études.

Quand on pense qu'un homme qui n'a jamais mis les pieds dans une école primaire a eu le culot d'accepter le poste de ministre de l'Education Nationale, pour y prendre des décisions, on est en droit de se dire, comme l'autre au Danemark, qu'il y a décidément quelque chose de pourri dans le royaume de l'Ecole de France...
Pourtant, quand on voit que l'orange commence à pourrir, on se dépêche de couper le morceau pourri, pour sauver ce qui reste.
Au moins, dira-t-on, celle qui le remplace, a été enseignante...
Oui, je sais.
Dites-moi pourquoi, ça ne me rassure pas...