La priorité est donc de connaître ce programme.
https://rassemblementnational.fr/documents/projet/projet-l-ecole.pdf

Se plonger dans ce texte est une épreuve, tant les affirmations abruptes, qui y défilent, sont rétrogrades et antidémocratiques, et surtout erronées par rapport à tout ce qui a été travaillé depuis
Qu'on en juge : voici les titres de chapitre du document, avec la profession de foi de la patronne du RN :

Elue présidente, je rebâtirai l'école de France, par la restauration du principe de transmission, la restauration de l'autorité du maître, la restauration de la sérénité au sein des établissements, et la restauration de l'efficacité pédagogique

Voilà de quoi convaincre du caractère très actuel et novateur de ce programme : ces quatre chapitres sont ahurissants d'ignorances, face à tout ce qui a été dit et démontré depuis bientôt soixante ans.

1- Le principe de transmission.

Les enfants ne sont point des têtes vides que l'école se devrait de remplir : c'est dit et démontré depuis des lustres, et enseigner n'est pas une activité de remplissage. On ne sait que ce qu'on a construit soi-même : donc enseigner, n'est pas "transmettre, c'est rendre possible la construction que chaque enfant doit faire lui-même, en l'y aidant par des apports de connaissances, qui vont secouer, remettre en question ses savoirs déjà-là, le transformer, lui permettre de grandir. On lui apporte des matériaux, mais la construction, c'est lui qui la fait. Le principe de transmission n'existe pas : les choses sont infiniment plus complexes que cela.

2- L'autorité du maître.

Celle-ci ne dépend pas de la volonté de celui-ci, mais des moyens que la formation reçue lui a permis de développer. Sauf à installer un système de menaces et de contrôles policiers, celle-ci ne saurait dépendre de la volonté d'un président de la République — ou même d'une présidente ! — et l'on voit mal comment ce dernier pourrait s'y prendre pour la restaurer.
Quant à la notion d'autorité, elle est loin d'être claire et facile à préciser.
Encore du complexe qui échappe complètement à Marine.

3- La sérénité au sein des établissements.

Là, les propos de Marine ne peuvent que déclencher l'hilarité générale, surtout aujourd'hui, où cette sérénité n'est pas vraiment la caractéristique essentielle des classes, du primaire, comme du collège... Doit-on rappeler à madame Le Pen, que des endroits sereins, sont bien peu compatibles avec la vie, la vraie, et qu'une classe "sereine" ça n'existe pas, sauf quand les élèves s'endorment, ce qui est pour le moins fâcheux.

4- L'efficacité pédagogique.

Cette formule d'un vague absolu, est éclairée dans le projet ainsi :
il s'agit de redonner à l’école, son rôle de vecteur de transmission de l’Histoire de France et de son patrimoine.
Ah bon ?
Et le reste, alors ?
On notera que l'énumération qu'on trouve sous sa plume, ne porte que sur les disciplines et non sur les compétences, censées être apportées aux élèves. C'est gênant et inquiétant.
Evidemment, cela renvoie à du "traditionnel" vertigineux, comme on n'en avait pas connu depuis longtemps, quoiqu'on le retrouve parfois sur cette route depuis quelques années.
Pour le RN, former, c'est remplir de "connaissances". Rien à voir avec une "formation", une acculturation, des apprentissages culturels.
Encore une fois, il s'agit de revenir à la conception "remplissage" de l'enseignement, que les générations de pédagogues, depuis 1968, tentent désespérément de démolir, tant cette conception est obsolète et ridicule, à l'aune de tout le travail accompli, depuis presque soixante ans.

Mais ce qui est plus grave, c'est le détail de ce programme, avec la disparition de toute formation prévue des enseignants : Suppression des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation créés en 2019, inefficaces et contribuant à diffuser une idéologie délétère dans l’institution scolaire.
L'accusation ici est gravissime : on aimerait bien savoir en quoi l'idéologie diffusée dans ces instituts serait "délétère". iI me semble que les dits instituts devraient porter plainte, en exigeant que ces termes soient explicités...

Dernier détail savoureux : la formation proposée en remplacement de ces instituts à l'idéologie délétère, sera organisée ainsi :
Les futurs enseignants, titulaires d’un Master 2, se présenteront au CAPES et à l’agrégation. Une fois admis, ils seront alors directement formés par des pairs expérimentés, dûment rémunérés en contrepartie, au sein des établissements scolaires.
Pour ce qui est de la rétribution, dûment conçue, on peut être rassuré : l'adverbe "dûment" est, on ne peut plus clair.

Apparemment, Marine ignore la différence qui sépare le fait de maîtriser une activité et celui d'enseigner cette maîtrise : ben voyons ! Si je sais faire, je montre comment je fais, et les autres apprennent, en me regardant faire. Inutile d'aller chercher midi à quatorze heures !
Hélas ! Faut-il que Marine ait peu réfléchi, peu étudié, pour dire une sottise pareille !
En fait, rien d'étonnant ici : si l'on croit qu'enseigner, c'est transmettre, alors former, c'est la même chose.
Ce que Marine ignore, c'est que ceci a été longtemps la technique de formation des enseignants, jusqu'à ce qu'on se mette à réfléchir en découvrant que regarder faire, n'aide en rien à faire, dès que l'action est complexe et qu'elle nécessite des adaptations aux données de chaque situation.
Est oublié ici qu'il s'agit de travailler sur de l'humain, pour lequel n'existe aucune clé universelle.

Cela a été dit dès les années 30, par de grands pédagogues, dont Marine ignore l'existence, et redit depuis par un grand nombre de chercheurs en pédagogie, qui l'ont démontré de toutes les manières, possibles.
Et l'on recommence, à zéro, dans les années 2020 et suivantes, à découvrir l'eau chaude, pour l'oublier et la redécouvrir, ensuite avec étonnement.
On tourne en rond...

Eh oui : c'est la Ronde, celle de de Max Ophuls, en beaucoup moins poétique, et beaucoup plus triste.