Plus fort, plus haut, plus vite... Dans le mur ?
Par Eveline, jeudi 8 août 2024 à 18:43 :: Education, Ecole et Pédagogie :: #576 :: rss
A ce génial rajout, posé par Daniel Mermet, à la célèbre devise de Coubertin, on pourrait (on doit ?) ajouter deux questions indispensables :
Quel mur ?
Pourquoi ?
Et pour quoi faire ?
Quel mur ?
Pourquoi ?
Et pour quoi faire ?
Ces questions, qu'on ne pose jamais, en ouvrent quelques autres.
Et d'abord, préciser que ce fameux mur n'est autre qu'un volumineux contresens sur les objectifs éducatifs de l'EPS, qui n'ont que peu de liens avec la devise, plus que discutable, de Coubertin. En rappeler, pour les préciser, les liens qui unissent ou opposent les notions de Jeux Olympiques, celle de sport et celle d'EPS, trois inventions humaines ayant des liens communs, mais complètement différentes entre elles, pour ce qui est de leurs objectifs, leurs pratiques, et des lieux où elles fonctionnent...
Une seule concerne l'école. On note au passage que celle-ci a redémarré dans un silence assourdissant : le gouvernement se repose. Nous devons attendre qu'il se passe quelque chose, et qu'on réfléchisse sur l'école que l'on souhaite et pourquoi...
Puisque nul n'en parle en haut lieu, parlons-en nous mêmes, un peu !
Peut-être, en classe, va-t-on parler des jeux, pour faire réfléchir les enfants sur leurs raisons d'être, relativiser l'aspect "performance" qui n'a de sens que chez des spécialistes, et faire comprendre que l'éducation physique, qu'on aime bien nommer "sport" à l'école, parce que ça fait plus chic, n'en est pas, et surtout qu'il faut éviter un amalgame entre eux, amalgame qui plonge tout professeur de cette discipline, dans un agacement voisin de la fureur, impossible à calmer.
Bien sûr que non : à l'école, on ne fait pas de "sport", on fait de "l'éducation physique".
Quelle différence ? Elle est plurielle et importante.
D'abord, l'éducation physique ignore (doit ignorer !) la notion de "compétition" : si elle est importante dans un évènement comme les Jeux Olympiques, dont elle est l'essentiel, elle est complètement absente, aussi bien de la notion de "sport", que de celle d'EPS. Ni l'une, ni l'autre ne doivent être interprétées, comme des synonymes.
Dans l'EPS, il y a le mot "Education", donc apprentissage : avec elle on apprend à se servir de son corps, notamment lors de jeux à règles, qu'on appelle le sport. C'est pourquoi, l'EPS peut éventuellement conduire au "sport", activités physiques semblables, mais qui s'en différencient par les notions de "règles" et de "compétition".
Et puis, en classe, même si les notions sont présentes, les activités restent totalement ludiques et sans aucune récompense ou "médaille" (déjà fort discutables dans les jeux eux-mêmes) : en classe, on ne fait pas de "sport", au sens strict du terme : on joue à faire du faux sport, pour, éventuellement, s'entraîner à jouer au vrai, plus tard, si on le souhaite.
Et il va de soi (même si ce n'est pas évident pour tout le monde), que ces activités ne doivent en aucun cas, être évaluées ou notées, puisque leurs réussites ne dépendent que de moyens physiques dont personne n'est responsable.
En revanche, elles seront évoquées et analysées dans les régulations menées lors des bilans organisés démocratiquement, maître et élèves, chaque trimestre, pour définir ensemble, le travail d'entraînement nécessaire, pour améliorer les performances de chaque élève, et les objectifs réels de cet entraînement : il ne s'agit en rien de devenir "performant". Il s'agit de devenir de plus en plus maître de son corps, pour pouvoir l'aider à grandir de façon à la fois agréable et efficace.
Il est capital que les enfants aient bien compris cette différence, et pourquoi on ne "note" pas les activités sportives. On en discute lors des régulations, et c'est tout.
Tous les élèves n'ont pas le mêmes moyens physiques, et ces réussites sont de l'ordre de la "chance". Elles ne méritent nulle admiration : simplement de la satisfaction de pouvoir en bénéficier.
Les enfants doivent donc apprendre très tôt à relativiser les chances de chacun : le seul moyen d'y parvenir, c'est de ne ne jamais se focaliser sur un domaine : tous les types de réussites méritent d'être salués et applaudis.
Mais, pour que ceci soit admis et compris, il faut que chaque enfant ait eu, à un moment, en classe, ce que l'on nomme "son moment de gloire". C'est le facteur n°1, pour eux, de la construction de leur confiance en soi : que ce soit une réussite physique, scolaire ou autre, venue de la vie familiale, il importe que l'enseignant permette à chaque enfant de vivre, en classe, un tel moment.
Cela permet de relativiser l'importance de la réussite scolaire, et d'éviter un peu le terrible "tri" dont l'école est régulièrement accusée, à juste titre neuf fois sur dix.
Contrairement à la croyance générale, c'est en relativisant ce type de réussite et en mettant en lumière les autres types existants, qu'on rendra à l'école son pouvoir d'aider tous les enfants à réussir dans leur vie.
Et pour cela, il faut lire et relire un grand monsieur nommé Albert Jacquart :
J’aimerais lutter contre cette idée qu’il faut être un Gagnant. Qu’est-ce qu’un Gagnant ? C’est un fabricant de perdants. Et je n’ai pas le droit de fabriquer des perdants." En tant que biologiste, et même mathématicien, je sais que vouloir rétablir un palmarès, c’est aller contre la logique. Je ne suis pas meilleur que vous. Je peux être plus grand, plus petit, plus rapide… mais pas meilleur que vous, globalement. Je suis différent. Et par conséquent, il faut dire aux enfants : «Ne sois jamais premier. N’accepte pas une Société raisonnant comme ça, car elle serait stupide, et te rendrait idiot ».
Merci, monsieur Jacquart, de nous rappeler, en ces temps de médailles de pacotille, combien celles-ci ont peu de valeur, et combien il est nécessaire de placer ailleurs, les vraies couleurs de la réussite...
Commentaires
1. Le dimanche 1 septembre 2024 à 18:44, par David
2. Le lundi 2 septembre 2024 à 09:16, par Eveline
3. Le lundi 2 septembre 2024 à 23:21, par Alain Miossec
4. Le dimanche 15 septembre 2024 à 16:39, par Sébastien Lemoine
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