Changer les règles ou les utiliser autrement ?
Par Eveline, lundi 30 septembre 2024 à 12:08 :: Education, Ecole et Pédagogie :: #580 :: rss
Et voilà, ça recommence ! Il faudrait changer les règles de l'orthographe ! Donc changer les manuels, les dictionnaires, et autres instruments d'enseignement... Mais aussi toute la littérature et, de façon générale tous les ouvrages qui appliquent ces règles. Et que faire des lecteurs qui la maîtrisent telle qu'elle est, et dont les yeux sont habitués au visage de l'écrit, qu'ils utilisent depuis leur enfance ?
Je ne comprendrai jamais pourquoi la majorité du public, devant un problème un peu compliqué, choisit, en général, les solutions les plus compliquées, celles qui vont poser le plus de difficultés.
Mais surtout, pour ce qui est de l'orthographe, vouloir la modifier, sous prétexte qu'elle serait difficile à maîtriser est la solution la plus absurde que l'on puisse concevoir. Ce blog a déjà eu l'occasion d'en parler et d'expliquer pourquoi il est impossible de modifier l'orthographe française, autrement qu'on ne l'a fait jusqu'ici, avec deux ou trois broutilles (doubles consonnes et autres) sans grand intérêt, et qui sont loin des vraies difficultés pour les jeunes qui sont en train de l'apprendre.
Pourquoi dit-on que les règles de l'orthographe sont trop difficiles ?
Parce qu'on fait croire aux enfants que celle-ci devrait être la transcription de son oral.
Or c'est faux : l'écrit en français s'est construit indépendamment de l'oral, et ce, pour de multiples raisons, qui touchent à son histoire, (cf. billets du 8 décembre 2022, :"Toujours l'orthographe..." et du 25 juillet 2023, qui répond à l'accusation "d'arbitraire", envoyée régulièrement à l'orthographe française.)
Il est surprenant de voir que, devant des difficultés ou des "anomalies" apparentes, du fonctionnement de la langue, peu de gens ont le réflexe de chercher dans son histoire, l'origine de ces bizarreries : c'est pourtant là, qu'on a le maximum de chances de la trouver. Tout a toujours une raison d'être, il suffit de la chercher. Et il est important que les enfants le sachent.
Donc, il faut savoir qu'en France, l'oral, n'est pas vraiment "avant" l'écrit : en fait, l'écrit est né, hors de l'oral.
Pourquoi ? Parce que, en France, celui-ci est né pluriel, et continue de l'être : chaque région a son oral propre, ce qui, au 13ème siècle, rendait les échanges commerciaux fort difficiles. Et comme, seul le latin était à peu près commun, les nécessités du commerce naissant au 13ème siècle, ont provoqué l'apparition d'un "patois" écrit, surgi d'un latin "personnalisé", qui deviendra la base du français écrit, lorsqu'il sera "fixé", trois siècles plus tard, par l'ordonnance de Villers-Cotterêt, édictée par François Premier, en 1539. On comprend alors facilement qu'il ne pouvait guère transcrire un oral qui, trop différent d'une région à une autre, n'existait pas, en tant que tel.
Donc l'écrit en France, n'a jamais eu de liens directs avec l'oral : il a, dès l'origine, été abordé directement par les yeux, et c'est bien ainsi que les élèves doivent l'aborder en classe.
Je suis convaincue (parce que je l'ai fait moi-même avec mes élèves) que si l'on explique, tout de suite, aux élèves, d'où vient l'orthographe française, ceux-ci auront moins de difficultés avec elle : ils comprennent alors qu'il est inutile de chercher, dans la prononciation de l'oral, comment les mots s'écrivent : quand on ne le sait pas, on cherche dans la documentation, et pas autrement.
Cela implique évidemment que la dite documentation soit à la libre disposition des élèves.
On ne répètera jamais assez aux élèves, qu'il est normal de ne pas savoir comment ça s'écrit, et que, ce qui est grave, c'est de ne pas avoir été prévenu qu'on peut, et qu'on doit chercher la réponse dans la documentation orthographique.
Et on ne répètera jamais assez aux collègues qu'il faut encourager cette recherche, sans jamais laisser entendre que ce serait mieux de ne pas avoir à la faire : la paresse pousse facilement les élèves à risquer l'erreur... Aussi ai-je toujours dit à mes élèves, au contraire : "même si vous pensez savoir, vérifiez quand même : c'est plus sûr." Recherche d'autant plus utile, qu'elle permet, par sa répétition, de construire des savoirs qui dispenseront plus tard de la faire.
C'est pourquoi je souhaite si fort, et de plus en plus, car je vois que cela met du temps à s'installer dans les classes, qu'existe, dans chaque classe, "un coin documentation orthographe", riche en documents la concernant, c'est-à-dire des dictionnaires de toutes sortes, en n'oubliant pas ceux de verbes (Larousses, ou autres compilation "de conjugaison"; dictionnaires des verbes etc.), en plusieurs exemplaires, si possible, dans chaque classe, pour que tous les élèves puissent les utiliser chaque fois qu'ils ont à écrire, et notamment, pendant les dictées, si on continue d'en faire : à mon avis l'utilisation des dictionnaires est une condition, sine qua non, de leur pratique en classe.
Demander aux élèves de chercher dans la documentation implique évidemment qu'on ait appris à le faire, et que des moments d'entraînement à la recherche rapide d'informations orthographiques ou autres, existent fréquemment dans l'emploi du temps.
On notera que cela peut (doit ?) impliquer un travail de groupe durant les dictées, comme durant tout travail d'écriture en classe, notamment dans les disciplines autres que le français : l'orthographe, en maths ou en géographie est aussi importante, qu'en français !! Les situations d'écriture deviennent ainsi, une sorte de jeu de piste à énigmes : tout ce qui peut transformer le travail scolaire en jeu, est bon à prendre !
Je rappelle que le jeu n'est amusant que s'il est difficile, et parfois pas qu'un peu.
Considérer qu'apprendre à écrire sans erreurs est un jeu, est le meilleur moyen d'inviter les élèves à s'y lancer.
Mais il faut, évidemment pour cela, en finir avec les dictées-punitions, les notes, et autres classements, les évaluations, qui n'ont d'autre but que — selon la forte expression d'Albert Jacquart — de créer des perdants.
Et s'il est vrai que le jeu en crée aussi, rappelons que le verbe "perdre" alors n'a plus le même sens, ni les mêmes conséquences : perdre n'y est plus signe de déchéance, car il fait partie du jeu, et il n'en sort pas. Tel n'est pas du tout le cas de la note, qui reste inscrite dans le registre, comme une tache indélébile. C'est pourquoi il faut faire disparaître ces laideurs, inutiles, et inutilement stressantes.
Du reste, tant que subsisteront les notes et autres formes d'évaluation, balancées sur les élèves d'en haut et sans eux, l'école restera, selon la formule chère à l'ami Laurent, un lieu d'homologation de savoirs acquis ailleurs.
Et s'il est vrai qu'il faut bien, à un moment ou un autre procéder à des évaluations, pour savoir où l'on en est, cela ne peut se faire qu'AVEC les intéressés, que sont les élèves : le monde du travail semble commencer à le comprendre. Celui de l'école peine à en être convaincu. Une évaluation du travail fourni ne peut exister dignement que sous une forme "participative".
Nous voilà renvoyés au titre de ce billet : évaluer ce qui a été produit, appartient aux règles de jeu de tout type de travail scolaire ou non. Mais la manière de le faire est capitale. Aucun "travail" effectué par des humains ne peut être évalué sans ceux qui ont participé à sa réalisation. Ceux-ci sont donc, que ça plaise ou non, partie prenante dans cette évaluation, qui ne peut, sans crime de lèse humanité, être autrement conçue que sous une forme "participative", c'est-à-dire, effectuée tous ensemble, participants et juges.
Tiens ! Cette formule rappelle quelque chose...
Ce ne serait pas la démocratie, par hasard ? +, c◊ .
Mais surtout, pour ce qui est de l'orthographe, vouloir la modifier, sous prétexte qu'elle serait difficile à maîtriser est la solution la plus absurde que l'on puisse concevoir. Ce blog a déjà eu l'occasion d'en parler et d'expliquer pourquoi il est impossible de modifier l'orthographe française, autrement qu'on ne l'a fait jusqu'ici, avec deux ou trois broutilles (doubles consonnes et autres) sans grand intérêt, et qui sont loin des vraies difficultés pour les jeunes qui sont en train de l'apprendre.
Pourquoi dit-on que les règles de l'orthographe sont trop difficiles ?
Parce qu'on fait croire aux enfants que celle-ci devrait être la transcription de son oral.
Or c'est faux : l'écrit en français s'est construit indépendamment de l'oral, et ce, pour de multiples raisons, qui touchent à son histoire, (cf. billets du 8 décembre 2022, :"Toujours l'orthographe..." et du 25 juillet 2023, qui répond à l'accusation "d'arbitraire", envoyée régulièrement à l'orthographe française.)
Il est surprenant de voir que, devant des difficultés ou des "anomalies" apparentes, du fonctionnement de la langue, peu de gens ont le réflexe de chercher dans son histoire, l'origine de ces bizarreries : c'est pourtant là, qu'on a le maximum de chances de la trouver. Tout a toujours une raison d'être, il suffit de la chercher. Et il est important que les enfants le sachent.
Donc, il faut savoir qu'en France, l'oral, n'est pas vraiment "avant" l'écrit : en fait, l'écrit est né, hors de l'oral.
Pourquoi ? Parce que, en France, celui-ci est né pluriel, et continue de l'être : chaque région a son oral propre, ce qui, au 13ème siècle, rendait les échanges commerciaux fort difficiles. Et comme, seul le latin était à peu près commun, les nécessités du commerce naissant au 13ème siècle, ont provoqué l'apparition d'un "patois" écrit, surgi d'un latin "personnalisé", qui deviendra la base du français écrit, lorsqu'il sera "fixé", trois siècles plus tard, par l'ordonnance de Villers-Cotterêt, édictée par François Premier, en 1539. On comprend alors facilement qu'il ne pouvait guère transcrire un oral qui, trop différent d'une région à une autre, n'existait pas, en tant que tel.
Donc l'écrit en France, n'a jamais eu de liens directs avec l'oral : il a, dès l'origine, été abordé directement par les yeux, et c'est bien ainsi que les élèves doivent l'aborder en classe.
Je suis convaincue (parce que je l'ai fait moi-même avec mes élèves) que si l'on explique, tout de suite, aux élèves, d'où vient l'orthographe française, ceux-ci auront moins de difficultés avec elle : ils comprennent alors qu'il est inutile de chercher, dans la prononciation de l'oral, comment les mots s'écrivent : quand on ne le sait pas, on cherche dans la documentation, et pas autrement.
Cela implique évidemment que la dite documentation soit à la libre disposition des élèves.
On ne répètera jamais assez aux élèves, qu'il est normal de ne pas savoir comment ça s'écrit, et que, ce qui est grave, c'est de ne pas avoir été prévenu qu'on peut, et qu'on doit chercher la réponse dans la documentation orthographique.
Et on ne répètera jamais assez aux collègues qu'il faut encourager cette recherche, sans jamais laisser entendre que ce serait mieux de ne pas avoir à la faire : la paresse pousse facilement les élèves à risquer l'erreur... Aussi ai-je toujours dit à mes élèves, au contraire : "même si vous pensez savoir, vérifiez quand même : c'est plus sûr." Recherche d'autant plus utile, qu'elle permet, par sa répétition, de construire des savoirs qui dispenseront plus tard de la faire.
C'est pourquoi je souhaite si fort, et de plus en plus, car je vois que cela met du temps à s'installer dans les classes, qu'existe, dans chaque classe, "un coin documentation orthographe", riche en documents la concernant, c'est-à-dire des dictionnaires de toutes sortes, en n'oubliant pas ceux de verbes (Larousses, ou autres compilation "de conjugaison"; dictionnaires des verbes etc.), en plusieurs exemplaires, si possible, dans chaque classe, pour que tous les élèves puissent les utiliser chaque fois qu'ils ont à écrire, et notamment, pendant les dictées, si on continue d'en faire : à mon avis l'utilisation des dictionnaires est une condition, sine qua non, de leur pratique en classe.
Demander aux élèves de chercher dans la documentation implique évidemment qu'on ait appris à le faire, et que des moments d'entraînement à la recherche rapide d'informations orthographiques ou autres, existent fréquemment dans l'emploi du temps.
On notera que cela peut (doit ?) impliquer un travail de groupe durant les dictées, comme durant tout travail d'écriture en classe, notamment dans les disciplines autres que le français : l'orthographe, en maths ou en géographie est aussi importante, qu'en français !! Les situations d'écriture deviennent ainsi, une sorte de jeu de piste à énigmes : tout ce qui peut transformer le travail scolaire en jeu, est bon à prendre !
Je rappelle que le jeu n'est amusant que s'il est difficile, et parfois pas qu'un peu.
Considérer qu'apprendre à écrire sans erreurs est un jeu, est le meilleur moyen d'inviter les élèves à s'y lancer.
Mais il faut, évidemment pour cela, en finir avec les dictées-punitions, les notes, et autres classements, les évaluations, qui n'ont d'autre but que — selon la forte expression d'Albert Jacquart — de créer des perdants.
Et s'il est vrai que le jeu en crée aussi, rappelons que le verbe "perdre" alors n'a plus le même sens, ni les mêmes conséquences : perdre n'y est plus signe de déchéance, car il fait partie du jeu, et il n'en sort pas. Tel n'est pas du tout le cas de la note, qui reste inscrite dans le registre, comme une tache indélébile. C'est pourquoi il faut faire disparaître ces laideurs, inutiles, et inutilement stressantes.
Du reste, tant que subsisteront les notes et autres formes d'évaluation, balancées sur les élèves d'en haut et sans eux, l'école restera, selon la formule chère à l'ami Laurent, un lieu d'homologation de savoirs acquis ailleurs.
Et s'il est vrai qu'il faut bien, à un moment ou un autre procéder à des évaluations, pour savoir où l'on en est, cela ne peut se faire qu'AVEC les intéressés, que sont les élèves : le monde du travail semble commencer à le comprendre. Celui de l'école peine à en être convaincu. Une évaluation du travail fourni ne peut exister dignement que sous une forme "participative".
Nous voilà renvoyés au titre de ce billet : évaluer ce qui a été produit, appartient aux règles de jeu de tout type de travail scolaire ou non. Mais la manière de le faire est capitale. Aucun "travail" effectué par des humains ne peut être évalué sans ceux qui ont participé à sa réalisation. Ceux-ci sont donc, que ça plaise ou non, partie prenante dans cette évaluation, qui ne peut, sans crime de lèse humanité, être autrement conçue que sous une forme "participative", c'est-à-dire, effectuée tous ensemble, participants et juges.
Tiens ! Cette formule rappelle quelque chose...
Ce ne serait pas la démocratie, par hasard ? +, c◊ .
Commentaires
1. Le mardi 8 octobre 2024 à 10:01, par laurent carle
2. Le lundi 14 octobre 2024 à 13:02, par Eva PORREY
3. Le mardi 15 octobre 2024 à 15:24, par laurent carle
4. Le mardi 15 octobre 2024 à 18:57, par Eveline
5. Le mercredi 16 octobre 2024 à 12:45, par Eva PORREY
6. Le mercredi 16 octobre 2024 à 16:10, par Eveline
7. Le jeudi 17 octobre 2024 à 14:49, par laurent carle
8. Le jeudi 17 octobre 2024 à 16:08, par Eva PORREY
9. Le jeudi 17 octobre 2024 à 18:24, par Eveline
10. Le vendredi 18 octobre 2024 à 23:07, par Alain Miossec
11. Le samedi 19 octobre 2024 à 11:03, par Eveline
12. Le dimanche 20 octobre 2024 à 10:56, par laurent carle
13. Le lundi 21 octobre 2024 à 11:07, par Eva PORREY
14. Le lundi 21 octobre 2024 à 17:57, par Eveline
15. Le mardi 22 octobre 2024 à 09:07, par Pipo PULO
16. Le mardi 22 octobre 2024 à 13:12, par laurent carle
17. Le samedi 26 octobre 2024 à 11:58, par David
18. Le lundi 28 octobre 2024 à 09:26, par laurent carle
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