On a envie de lui répondre que ce n'est pas son statut qui est interrogé, mais la manière dont elle est enseignée.
Quand on se penche sur cette question, on est frappé par le fait que cette activité sociale, dont l'importance est ici soulignée par le journaliste du Café, est, en classe, majoritairement l'objet de contrôles (dictées), les situations d'apprentissage restant très minoritaires.

Contrôler l'orthographe n'a jamais permis de l'apprendre, et les dictées sont des confirmations d'ignorance : elles les constatent et par suite, les confirment. En effet, dans aucun domaine, la correction d'erreurs n'est un facteur d'apprentissage : l'erreur reste en mémoire, la correction, jamais, quand elle ne vient pas de l'élève.
Pour qu'elle reste dans sa mémoire, il faudrait d'abord qu'elle n'ait pas été associée à une humiliation, ce qui ferme tout espoir d'améliorer les choses. Il faudrait ensuite qu'elle ait été objet de recherche, puis de découverte par l'élève, lui-même : on ne conserve que ce qu'on a trouvé, après l'avoir cherché. Mais il est très rare que les choses se passent ainsi.

Quant aux situations d'apprentissage de l'orthographe, hormis quelques mauvaises leçons sur des règles, du reste la plupart du temps, discutables, on a du mal à en trouver.
Surtout, pédagogiquement, il ne peut s'agir d'enseigner de véritables règles à appliquer : elles sont pleines d'exceptions, ce qui les détruit en tant que règles, et les rend inutilisables.

L'orthographe française, il faut le savoir, est le résultat d'une longue histoire, complexe et agitée, qui la rend incompatible avec la notion même de règles : construite dans les conflits et les contradictions, entre le seizième et le dix-neuvième siècle, elle s'est obligatoirement stabilisée au vingtième, parce que c'était devenu urgent : avec la création de l'école obligatoire, on n'avait plus le temps de discutailler sur elle et il fallait offrir à cette dernière un produit fini à enseigner. On a donc aujourd'hui, une orthographe en l'état, et il faut faire avec...
En fait, la situation est très proche de ce qui se passe avec les choses de la nature, qu'on apprend par des stratégies d'observation, permettant des caractérisations, elles-mêmes créatrices de "familles", autour de certaines caractéristiques communes.
L'apprentissage de l'orthographe ne peut donc être qu'une science d'observation, à la recherche de "régularités", qui ne tarderont pas à émerger : et d'abord, les grammaticales.
C'est pourquoi, je déconseille vivement de les enseigner à l'avance : loin d'aider, ces inopportunes "leçons" risqueront de tuer, chez les enfants le plaisir de la découverte. Il vaut mieux que les enfants les découvrent eux-mêmes.
Evidemment, si l'on a un CM, ils les auront déjà apprises de façon traditionnelle et fermée. Mais avec cette manière de les aborder selon une démarche, très proche de celle de la botanique, ils vont en quelque sorte les redécouvrir, comme rajeunies, et l'on peut pousser encore la comparaison, pour nettoyer les mauvais souvenirs, en faisant construire par les élèves, des "herbiers" d'orthographe, à partir des exemples observés dans les lectures. Cela me paraît préférable au terme de "règle", parfaitement inadapté ici.
Et surtout, qu'on cesse de faire des dictées, ces usines à erreurs qui empêchent tout progrès en orthographe. Tout au contraire, il faut donner l'habitude aux enfants de ne jamais écrire de mémoire : dès qu'on a des choses à écrire, on va chercher son dictionnaire d'orthographe, et l'on s'entraîne à trouver le plus vite possible les mots qu'on a à écrire. C'est en ayant souvent l'occasion de voir et revoir les mots convenablement orthographiés, qu'on append l'orthographe. Et quand on n'est pas sûr, c'est le dictionnaire, qu'il faut ouvrir : il ne doit pas quitter la table de travail, car personne ne sait tout en orthographe et il est très imprudent de penser le contraire et de se croire au-dessus du lot...