C'est à lui que je dédie ce premier billet.
Vous ne connaissez pas René Gouzenne ?

Il est vrai que la presse people en parle très peu et qu'il n'apparaît pas souvent sur les plateaux de télévision, hormis (et c'est rare !) sur ceux de la région.
C'est un instit.
(Vous avez vu : je dis "instit", même si je trouve que le titre de "professeur des écoles" a le mérite de contribuer peut-être à diminuer la distance absurde qui sépare le primaire du collège. Pour moi, "instit", c'est un mot si chargé de sens et de symboles, que je préfère le garder, pour rendre hommage à ceux que j'aime...)
Un instit, donc, devenu comédien pour travailler avec Jean Vilar.
Il est parti cet été dormir dans le petit village où il eut son premier poste, dans le Gers.
Mais à Toulouse, c'est lui qui, avec Danièle Catala, a créé ce lieu mythique et magique, la célèbre Cave-Po, véritable phare du théâtre dans la ville, où il a fait découvrir à tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer, la poésie, les œuvres et les auteurs, d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. Brecht, Aragon, Beckett, Hrabal, et mille autres sont devenus pour nous, grâce à lui, des amis, des maîtres à penser, des soutiens.
Un comédien qui a été instit, c'est quelque chose !

Avoir été instit est toujours un plus pour un comédien.
J'en ai connu beaucoup, des comme ça, à Toulouse, mais aussi chez les Picards d'Amiens, (qui sont parfois venus à Toulouse...), les Jacques Labarrière, Hubert Kruczynski, Jacques Debary (un peu plus connu du public sénior, grâce aux "Cinq dernières minutes" de Jacques Loursais) et d'autres, qui ont insufflé le goût et parfois la passion du théâtre à des petits bouchons, lesquels, devenus grands, l'ont gardée et souvent transmise.
Et, en disant adieu à René, c'est aussi à eux que je pensais. Ils étaient trop modestes pour vouloir être connus, mais je veux qu'ils ne soient pas oubliés.
Je veux aussi qu'on sache qu'un instit qui parle du théâtre en classe, qui en fait faire à ses élèves, et qui les emmène dans ces lieux extraordinaires, que sont les salles de théâtre, c'est le meilleur instit qu'un enfant peut avoir. C'est vrai, même s'il n'enseigne pas la lecture comme on a l'habitude : si on fait du théâtre, on lit évidemment et de la manière la plus intelligente qui soit.
Et l'on ne peut qu'être inquiets de voir ce genre d'affirmation si absent des nouveaux textes officiels et des objectifs des ministres actuels.
Le théâtre, ce n'est pas une récréation, même si c'est un plaisir.
C'est une nourriture indispensable à tous, sans laquelle l'éducation reçue garde quelque chose de bancal.
Absolument nécessaire à l'équilibre de la personne, c'est aussi un objet culturel incomparable, où se mèlent des langages différents dont la lecture ne va pas de soi. Il y a le texte, bien sûr ; mais il y a aussi la lecture du metteur en scène qu'il faut savoir lire.
Dans un spectacle de théâtre, tout est signifiant, le décors, les costumes, les lumières, la bande-son...

Tout cela me fait penser qu'il faut que je rajoute une grande page sur le théâtre dans mon site.

(Vous la trouverez à l'adresse suivante : http://charmeux.fr/theatre.html
Alors, à plus... (comme disent les jeunes), cher René.
Merci pour tout.

Pour finir, je redonne encore une fois la parole à Serge Pey qui lui a fait le plus bel adieu qui soit :
"René a regardé si tous les micros étaient bien fermés. Il a coupé le courant. René a fermé la cave. Ensuite il a rentré le panneau de la rue, puis barré la lourde porte du couloir. Bonne nuit, René, bonne nuit… A demain..."

Oui, à demain, René.