Lorsque Isabelle dit :
Je m'inquiète du peu de part fait dans nos programmes et dans nos formations initiales à ce que l'on peut appeler les "stratégies de lecture" et qui devraient à mon sens, constituer le fil conducteur de nos pratiques pédagogiques. Le déchiffrement et l'exploration du texte sont, entre autres, des moyens à utiliser pour la compréhension d'un écrit quel qu'il soit. N'enseigner que ces deux outils n'est évidemment pas suffisant.
On ne peut qu'être d'accord.
Depuis des années j'insiste sur le caractère dangereusement réducteur de cette présentation de la lecture comme se limitant à la connaissance du code (terme très impropre) et à ce que tous appellent, dans un flou remarquable, "la compréhension".
Si l'on ne précise pas ce que l'on entend par ce terme, je ne vois pas comment on pourrait travailler cette notion.
Comme je le dis souvent, lire n'est pas un savoir, c'est un savoir faire, un moyen d'acquérir des savoirs.
Avoir compris un écrit, c'est pouvoir s'en servir dans la réalisation d'un projet, qu'il s'agisse d'agir, de comprendre, de trouver des réponses à une question ou de se détendre en rêvant.

C'est pourquoi je persiste à demander comment on pourrait apprendre à comprendre avec un manuel de lecture : quels types de projets peut-il permettre de réaliser ?
Que ceux qui ont des réponses à cette question me les donnent : je suis avide de les connaître !

Je souscris naturellement, — et totalement — aux propos d'Isabelle quand elle dit :
D'où l'importance de mettre à disposition des enfants, dès le départ, une batterie de textes de tous types qui impliqueront par leur complexité la construction et l'utilisation de stratégies efficaces, ainsi qu'un retour fréquent, par des synthèses de rappel, de tout ce qui est à notre disposition pour arriver à une compréhension efficace.

Il faut insister sur l'importance (dès l'école maternelle) de la diversité des types d'écrits, car on ne met pas en jeu les mêmes stratégies pour tous les écrits, ni surtout pour tous les types de projets qui motivent la lecture : la même page de Balzac ne sera pas lue de la même manière, si je la lis pour connaître la suite de l'histoire, pour faire une dissert sur le style de Balzac, pour y trouver des infos sur la vie à cette époque, ou pour apprécier une adaptation ciné du roman...
Il n'y a pas qu'un seul "apprentissage de la lecture", et il est important que les enfants le découvrent le plus tôt possible.
Cela signifie qu'on ne peut apprendre à lire que si l'on a besoin de lire

Enfin, les propos qui suivent me semblent essentiels :

J'accorde également une part importante à la modélisation, c'est à dire à la démonstration explicite de mes propres stratégies en tant que lectrice experte.

Je trouve, en effet, qu'on n'insiste jamais assez (notamment en haut lieu où l'on n'en parle même pas !) sur ce que les spécialistes appellent la "métacognition" — mais non ! ce n'est pas du jargon, c'est le fait d'avoir conscience de ce qu'on sait, de ce qu'on vient d'apprendre, — et tous ceux qui ont travaillé sur les processus de l'apprentissage insistent sur l'importance de ce "savoir sur le savoir", sur la nécessité de cette prise de conscience pour "fixer" la connaissance.
D'où la nécessité des archivages de ce qui a été découvert, et de l'explicitation formulée par écrit, des stratégies qui font réussir.
Contrairement à ce qui se dit, notamment en haut lieu, nous n'avons pas à enseigner des savoirs tout faits ; nous avons à enseigner des stratégies permettant de construire les savoirs requis par les programmes..
Il est essentiel de déplacer le projecteur qui éclaire à côté de ce qu'il doit éclairer.
Enseignants de stratégies, — et de stratégies-qui-réussissent, voilà ce que nous sommes. C'est, en tout cas, ce que nous devons devenir, si nous voulons vraiment lutter contre l'échec scolaire.