Une notion et le nom qu'on lui donne, ce n'est pas la même chose.
C'est au cours moyen que l'on commence à travailler sur cette importante différence, et, je m'étonne qu'un adulte, cultivé je suppose, et probablement enseignant de surcroît, en ait si peu de connaissance.
Cela interpelle, comme on dit, la formatrice d'enseignants que je suis.
Examinons donc cette question : simple et facile, ces mots ont-ils le même sens?

Premier constat :
S'il est vrai que, dans l'usage courant, ces mots sont volontiers considérés comme synonymes, dès que l'on approfondit ce qui se cache sous ces termes, on découvre une différence de taille. Le simple est une notion objective sur laquelle nulle contestation n'est possible. Un point est un élément simple, tandis que la droite qui en contient plusieurs est plus complexe, et le volume, plus complexe encore. Rien à voir avec une opinion.
Il n'en est pas de même pour le facile. On observe que rien n'est universellement facile. A moi, il est très difficle de parler anglais ; c'est au contraire très facile pour mon amie qui est née en Irlande. Mon petit cousin, fils de marin breton, a su, dès sa plus petite enfance, nager comme un poisson, tandis que mes performances en ce domaine se rapprocheraient plutôt de celles du fer à repasser, etc.etc.
Et si l'on cherche la raison de ces différences, on s'aperçoit que c'est l'expérience vécue qui est à l'origine de la facilité : une activité sera facile pour moi si je l'ai souvent pratiquée. De plus, on découvre que l'affectif y joue un rôle non négligeable : jadis on enseignait la couture à l'école, mais cet enseignement fut pour moi un tel cauchemar que j'éprouve toujours d'insurmontables difficultés à tenir l'aiguille.

Deuxième constat :
Si l'on y regarde de près, il est facile de faire apparaître que le "simple" ne peut figurer dans l'expérience vécue de personne : tout ce qui nous entoure est complexe, et dès la sortie du ventre de sa maman, le bébé est environné de choses complexes, l'air qu'il respire, les objets qu'il touche, le lait qu'il boit, les paroles qu'ils entend.
Et s'il ne peut exister dans l'expérience vécue, c'est qu'il est toujours le résultat d'une analyse, donc d'une abstraction.

Conséquence :
Comme il est incontestable et incontesté qu'une démarche pédagogique efficace doit aller de ce qui est facile pour l'élève, vers ce qui lui est difficile, il ressort de cette analyse que l'on doit, en toutes disciplines, prendre appui sur l'expérience vécue par les enfants (c'est ce qu'on peut appeler : "le complexe familier aux enfants"), pour les conduire vers les deux sortes de difficultés qu'ils ont à surmonter :
1- la construction des notions simples, ce qui sera possible en analysant le complexe qu'ils connaissent bien ;
2- l'appropriation de domaines complexes non familiers, qu'ils pourront intégrer en découvrant, par une analyse comparée, que ce complexe étranger contient des éléments simples semblables à ceux de ce qu'ils connaissent.
Notons au passage que ces deux opérations : analyser et comparer, sont au cœur de tout apprentissage, et de façon indissociable : je ne peux comparer que si j'analyse et je ne peux analyser que si je compare.
C'est aussi pourquoi, il est conseillé de faire travailler les élèves toujours sur deux documents au moins quand on veut qu'ils en fassent l'analyse : si je n'ai pas de points de comparaison, je ne peux rien voir!

Alors, la lecture ?
On peut donc dire que, pour la lecture, — puisque c'est le sujet qui fait débat ici —, le point de départ, au CP, comme à l'école maternelle, ce sont les écrits qui appartiennent à l'environnement des enfants. Ces écrits auront à faire l'objet d'analyses leur permettant de découvrir des notions abstraites, comme celle de "mot écrit", (dont les enfants n'ont aucune connaissance car les mots écrits en français ne sont pas repérables à l'oral), ou celle de "lettre".
Et parallèlement, ils vont découvrir, apportés par l'enseignant, des écrits étrangers à cet environnement, mais où ils vont retrouver des mots et des signes qu'ils connaissent déjà...
Découvertes où ils vont, à la fois, trouver confiance en eux et en leur possibilité de savoir des choses (un enfant n'apprend que s'il a conscience déjà de savoir) et en même temps prendre conscience qu'il leur faut apprendre encore (un enfant ne peut apprendre que s'il a compris que c'est nécessaire).

Quand on veut un jardin fleuri, on doit prendre en compte la manière de fonctionner des plantes choisies, et éviter de tirer dessus pour qu'elles poussent plus vite.
Si l'on veut que les enfants réussissent leur apprentissage, on doit respecter leur manière d'apprendre. Qui pourrait contester cela ?
Il est vrai qu'il existe des révisionnistes, et même des créationnistes...
Dans l'enseignement aussi ? Vous êtes sûr ? Impossible, voyons !