Comment une école qui enseigne aux enfants des erreurs, du "non-sens" (les lettres ont un son ; il faut bien écouter les sons pour savoir les écrire...), qui les dresse à des mécanismes qui les enferment, et des techniques qu'ils ne peuvent pas comprendre, pour qu'ils les fassent sans les comprendre ; qui leur apprend à obéir avant tout, en les traitant comme des machines, qui leur interdit l'erreur, et qui les manipule, pour obtenir leur adhésion à des pratiques contraires à ce qu'ils savent, comment une telle école pourrait-elle permettre l'arrivée d'adultes responsables, raisonnables, capables de penser par eux-mêmes, c'est-à-dire des citoyens libres, soucieux de défendre la démocratie où ils vivent ?

Toutes ces réformes du ministère n'auraient-elles pas comme finalité bien cachée de former des adultes à l'opposé de cela, des adultes soumis, qui n'ont plus ni la force ni les moyens de protester ?
Depuis longtemps, on assiste à un durcissement lent, mais ferme, des pratiques démocratiques, qui mettent en danger le pays tout entier. Et puisque c'est l'école, et ce qui s'y est passé pour lui, qui détermine en profondeur l'adulte que devient l'élève, de grands changements s'imposent dans la façon de penser son rôle véritable, et ses finalités, dont le pouvoir se garde bien de les définir.
Il est temps d'entrer dans le versant "positif" et concret de la résistance.
Seule, une école démocratique peut sauver notre démocratie.

Il est, parmi nous, un penseur aussi admiré que haï, notamment, par ceux qui apprécient l'école décrite plus haut, qui, depuis fort longtemps, réfléchit et écrit sur ce que peut et doit être une école démocratique. On a compris de qui il s'agit, bien sûr : Philippe Meirieu. (1)
Il est grand temps de le relire et surtout de chercher ensemble comment mettre en pratique ses conseils, dont voici quelques exemples.

"L’éducation n’est pas un processus de fabrication, mais l’accompagnement de l’émergence d’un sujet libre. C’est pourquoi aucun système éducatif ne saurait être astreint à une « obligation de résultats ». En revanche, il est astreint à une « obligation de moyens » et doit rendre compte de la manière la plus transparente possible de tous les moyens qu’il met en œuvre pour lutter contre l’échec scolaire générateur de détresse individuelle et sociale, qui compromet l’avenir de la société tout entière et génère, sur la durée, d’immenses coûts sociaux."

"Dans l’ensemble des acteurs éducatifs, l’École détient un place spécifique : elle a pour mission de contribuer à l’émancipation des personnes par la transmission des savoirs. Cette émancipation s’effectue tout autant et indissociablement grâce à la nature des savoirs et à la manière dont ils sont enseignés".

"Les savoirs scolaires doivent permettre à l’enfant de comprendre le monde dans lequel il vit et, en particulier, de connaître toutes les étapes de la construction progressive de l’humanité : apparition du monde et de l’homme, développement des sociétés de droit,émancipation de l’homme à l’égard des forces de la nature, construction des savoirs par rapport à toutes les formes de superstition, reconnaissance progressive de la dignité de tous les humains, efforts des hommes en faveur de la solidarité et contre toutes les formes de repliement et de dictature."

"Au cours de la scolarité obligatoire, l’éducation scolaire doit s’émanciper des découpages universitaires épistémologiquement légitimes, mais qui ne garantissent pas, s’ils sont simplement projetés dans l’école, la formation du citoyen. L’éducation scolaire doit partir des « problèmes » que tout citoyen doit apprendre à gérer et à résoudre et non des catégorisations disciplinaires sédimentées dans la sphère des savoirs savants".

"Les savoirs scolaires doivent être enseignés de telle manière que, dans l’acte même de leur enseignement, ils soient porteurs d’émancipation. Pour cela les savoirs ne doivent pas être présentés comme des essences éternelles et immuables mais comme des constructions des hommes dans le processus de leur émancipation."

"Les apprentissages scolaires doivent être effectués avec des méthodes qui respectent la dignité et la liberté de l’enfant. Au fur et à mesure qu’il grandit et qu’il peut l’assumer,l’élève doit être associé au choix de ces méthodes."

"Les sanctions ne doivent pas exclure. Car l’élève qui commet une faute s’exclut déjà par lui-même de la collectivité. Les sanctions doivent donc être conçues pour lui permettre de réintégrer le groupe et d’y retrouver une place en respectant les autres."

"Ces propositions ne sont qu’une première étape dans la reconstruction nécessaire d’une utopie éducative pour faire face aux défis du XXIème siècle. Elles doivent être complétées et enrichies par tous les hommes et toutes les femmes qui croient plus que jamais nécessaire de « se souvenir du futur ».

Ce sont là quelques-unes de ses nombreuses propositions.
Comme le demande la dernière de celles-ci, je demande à mon tour, à tous ceux qui aiment l'école et s'intéressent à ce blog, de nous envoyer leurs réactions, suggestions, réflexions, toutes formes de commentaires, permettant d'agir concrètement en ce sens.

Et le covid, direz-vous ?
Il est clair qu'il est utilisé par le pouvoir comme prétexte commode pour ne plus poser la moindre question pédagogique et politico-pédagogique. Or, celles-ci sont plus que jamais prioritaires : les conditions sanitaires s'y ajouteront après, mais la façon de concevoir l'école n'a plus le temps d'attendre.
Il faut agir : comment commencer et par où ?
Merci d'avance à tous, et que la rentrée soit pour eux riche d'engagements libérateurs.

(1) Le lien pour accéder au texte complet :

https://www.meirieu.com/MANIFESTESETPROPOSITIONS/PRINCIPES.pdf