Depuis plusieurs années et notamment depuis 2017, avec l'arrivée d'un ministre-catastrophe, un petit groupe d'amis, fidèles de ce blog, s'inquiètent et militent contre une déshumanisation galopante de la vie sociale en général et de l'école en particulier.

Les hommes et femmes qui travaillent sont, un peu plus chaque jour, considérés comme des pions qu'on déplace et qu'on rejette en fonction des seuls intérêts économiques ; les enseignants, à qui on explique à grand renfort de brochures injonctives comment ils doivent travailler, et qu'on prive de ce qui constitue le cœur de leur travail, celui de choisir les moyens les plus adaptés aux enfants qui leur sont confiés, et celui de mesurer leurs progrès, sont devenus de simples exécutants, avec pour horizon de plus en plus net, un statut de "contractuel-sur-siège-éjectable".
Quant aux enfants, ce sont maintenant de pauvres canards qu'il faut gaver de gré ou de de force (toujours bienveillante), de "savoirs", inexacts scientifiquement, inutiles pour la plupart, et dangereux pour beaucoup, selon des pratiques imposées qui vont à l'encontre de tout ce qu'ont apporté et prouvé quarante ans de recherches pédagogiques rigoureuses.

Ne pas s'opposer à une telle politique, c'est se rendre coupable de non-assistance à enfants en danger.

Mais, on le sait, porter assistance est, en soi, source de dangers et désobéir est un énorme risque pour celui qui l'ose. D'où une peur qui tétanise les collègues et dont ils se protègent en se laissant faire. On reconnaît le célèbre conseil donné aux femmes agressées sexuellement : dans cette situation terrible, protège ta vie en te laissant faire !
C'est incontestable : si l'on est seul, pas d'autre possibilité que, ou bien se sacrifier en résistant (et, de préférence, si possible, en le faisant savoir !), ou alors se laisser faire.

Pour sortir de ce cloaque, la solution : ne pas rester seul, dans sa classe.
Comment ?

* Se syndiquer d'abord, — la méfiance, très à la mode depuis quelque temps, à l'égard de cette décision, est une des nombreuses aberrations de notre époque, qui laisse ceux de ma génération ahuris devant tant de sottise.

* On peut aussi, et en même temps, c'est possible, adhérer à une association, à la fois de défense et de recherches, ce qu'on appelle "un mouvement pédagogique" : il y en a plusieurs et on a le choix.

* Agir par l'écriture : à toutes les époques "audacieuses", c'est par l'écriture que les actions de révolution ont commencé.

* Utiliser les réseaux sociaux : ceux-ci ont certes une face dangereuse, mais c'est une moyen de diffusion et de création de groupes fort efficace.

* Sensibiliser les politiques : nous sommes en période pré-électorales. C'est donc le moment.
Que les collègues se réunissent pour, en s'inspirant, ou non, de l'exemple proposé dans le billet précédent, écrire une sorte de "charte" à envoyer aux principaux candidats : même si plusieurs parlent enfin de l'école, dans leur campagne qui commence, ceux-ci en restent trop souvent à la question des "moyens" — importante, mais pas que.
C'est à la la conception même du métier qu'impliquent les réformes et aux détails de celles-ci, qu'il faut s'attaquer : tout ce qui est imposé arbitrairement, les contenus précis de l'enseignement, notamment du français (si essentiel parce qu'il conditionne la réussite dans toutes les autres disciplines), les démarches, la manière de traiter les non réussites des enfants, la place de ceux-ci dans l'école, dans la classe, dans le travail, et dans les évaluations.

La déshumanisation de l'école, c'est dans ces détails-là qu'elle se situe et qu'elle fait le plus de mal, un mal insidieux, qu'on ne voit que si on le cherche...
Et qu'on ne vienne pas dire qu'il s'agit là d'opinions, non avérées, dont on aurait parfaitement le droit de penser le contraire.
C'est la vie de nos enfants qui est en jeu. Ce sont les adultes que ces enfants maltraités vont devenir, qui font frémir.
Il faut absolument agir et vite !