Voici les faits.
Depuis 2017, à Toulouse, dans les collèges "difficiles" de la ville, des élèves sont choisis (méritants ? Et selon quels critères ?), et envoyés dans les collèges réputés du centre ville, pour bénéficier de l'excellente pédagogie menée dans ces établissements.
Et déjà des points d'interrogation s'élèvent : est-on sûr que les excellents résultats obtenus par ces collèges, soient dus à la pédagogie mise en œuvre chez eux ?
De très mauvais esprits laissent entendre, en effet, que, par leur milieu familial, leurs élèves, tels les Nobles de l'Ancien Régime, "sachant déjà tout sans avoir besoin de l'apprendre ", aucun effort pédagogique n'y est vraiment nécessaire...
Un constat, militant en faveur de cette hypothèse subversive, et que l'on peut difficilement contester, est que les professeurs ont toujours considéré comme une promotion, le fait d'être nommé dans un tel collège : le travail y est beaucoup plus agréable et bien moins fatigant. Hormis quelques fous de dévouement social, on ne se bat guère pour être enseignant dans les quartiers chauds de Toulouse ou de toute autre ville.

Mais d'autres étonnements et questionnements surgissent.
Que penser de ce mélange artificiellement provoqué ? Où a-t-on vu que la bienveillance d'un projet justifie l'autoritarisme de sa mise en œuvre ? La mixité sociale, est-ce le mélange forcé ?

Certes, on ne peut nier que l'urbanisation actuelle, soit socialement discriminante : l'invention de l'ascenseur, qui a chassé les classes populaires, des appartements situés en haut des immeubles de ville, devenus grâce à lui, les plus attractifs, a tué un mélange naturel des classes sociales — lequel était discriminant quand même, mais autrement !
Que cela plaise ou non, il existe, dans toutes les villes, des quartiers pauvres, donc des collèges pauvres, et des quartiers chics, aux collèges de rêve, qui ne se mélangent surtout pas, avec les premiers.
Alors, reste-t-il une autre solution que le mélange forcé ?

Evidemment, oui ! D'autres solutions existent !
D'abord, il faut savoir que, dans les choses humaines, tout ce qui est artificiel, et artificiellement provoqué, a de fortes chances d'être mauvais, inadapté et toxique.
Et puis, quelle bizarre idée que celle de mener des enfants dans les beaux quartiers, comme s'il y avait quelque chose à y apprendre !!
Et pourquoi ce ne serait pas l'inverse ?
Ne pensez-vous pas qu'il serait au contraire fort utile d'emmener les élèves de ces établissements prestigieux voir ce qui se passe dans les écoles du Mirail, ou dans d'autres quartiers difficiles de Toulouse ? Les élèves avec leurs professeurs, évidemment : ceux-ci y découvriraient une autre manière de faire classe...
Qui a le plus à apprendre du mélange ?

Soyons sérieux :
Où sont les solutions ?
Eh bien, justement, c'est à l'école qu'elles se trouvent, et non dans les Conseils départementaux ou régionaux : ceux-ci ont d'autres tâches. Les solutions se cachent dans ce qu'on appelle "une pédagogie démocratique", ou si l'on préfère, dans la Pédagogie, tout court (qui ne peut être que démocratique !).
La première idée ici, c'est celle que Célestin Freinet a trouvée, il y a quelques années : la correspondance scolaire. Une correspondance scolaire, de préférence plurielle, avec des correspondants divers, de quartiers différents, voire, de pays et de langues différentes, avec des classes qu'on pourra peut-être inviter ou aller voir, et d'autres qu'on ne verra jamais, mais qui resteront des amis.
Du reste, comment travailler la communication écrite, si les élèves n'ont jamais à communiquer effectivement avec des partenaires qui ne sont pas là ?

Ensuite, tout ce que fait faire une pédagogie démocratique, ouvre des portes sur la connaissance des autres, quels qu'ils soient.
Une telle pédagogie invite les enfants à observer, étudier, autour d'eux ; mener des enquêtes sur tout ce qui touche la ville où ils vivent, ses quartiers différents, son histoire, sa géographie, ses ressources, et à pratiquer des comparaisons avec d'autres lieux, connus d'eux, rapporter en classe des informations, puisées durant les vacances à la campagne ou ailleurs ; se servir de la littérature, du cinéma, de la télévision, pour découvrir d'autres manières de vivre et devenir capables de les comprendre, sans jamais les juger.

Les programmes ? Mais il sont là, les programmes ! Il ne saurait y en avoir d'autres...

C'est à l'école de rendre possibles les mélanges qui feront disparaître les effets délétères d'une société injuste... Mais à UNE condition : qu'elle soit soutenue dans sa pédagogie ambitieuse, démocratique, par les politiques, les conseils départementaux et autres, et surtout les ministères...
Elle est là, la tâche de ces conseils : aider à faire entrer dans les classes, les apports que proposent les pédagogues : seuls ceux-ci ont les compétences pour les définir. L'histoire prouve que l'adhésion des politiques est, en France, indispensable pour que les propositions des chercheurs pédagogues, passent la porte et parviennent à entrer dans l'école.

Vous avez remarqué : on parle d'élections dans les mois à venir.
A nous tous, de choisir le gouvernement qui offrira, à l'École, le Ministre de l'Education Nationale capable de soutenir, pour elle, l'entrée de la Démocratie dans ses murs !