Associer l'École à ce constat, est, même si bien peu le pensent, indispensable pour deux raisons.
* La démocratie doit s'installer dans l'école, car elle n'y est point, alors qu'elle devrait y être, comme cela est normal dans tout pays démocratique.
* Notre démocratie aurait intérêt à revenir à l'école, pour revoir ses fondamentaux : elle semble avoir bien les avoir oubliés, ces temps-ci.
Explications...

Notre République est-elle toujours démocratique ?

Réponse : de moins en moins.
C'est, malheureusement, un constat qui ne s'applique pas qu'à la France. Un ouvrage récent (mai 2021), de la journaliste américaine Anne Applebaum, fait, dans son ouvrage intitulé "Démocraties en déclin ; réflexions sur la tentation autoritaire"(1), le constat alarmant que, en 2021, 6,4% seulement de la population mondiale a vécu dans un pays pleinement démocratique, ce qui réduit à 21 sur 165 états, le nombre de démocraties effectives.
En France la "tentation autoritaire" est flagrante — et notamment à l'école, où elle n'est même pas camouflée sous des dehors faussement rassurants, comme c'est le cas dans les autres domaines de notre vie. Et, dans le monde, où les dictateurs assumant ce choix sont nombreux, la tentation de gouverner seul grandit partout, le trumpisme en étant une illustration spectaculaire, dans un des pays où la démocratie fut installée pourtant de façon précoce et effective.
La journaliste, qui a beaucoup parcouru le monde assure, par exemple, que si le président russe est si obsédé par l'Ukraine, c'est d'abord par une détestation profonde de la démocratie, qualifiée par lui de maladie contagieuse, paradigme de l'Ouest, qui l'empêche de faire ce qu'il veut. Et la journaliste française, Sara Daniel, qui a bâti sa chronique de l'OBS, cette semaine, sur ce thème, tout en citant le mots de Churchill : "la démocratie, le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres", rappelle qu'aujourd'hui, les démocraties, attaquées de toutes parts par les régimes autoritaires et le fanatisme religieux, et affaiblies par la montée des populismes et de la pandémie, n'ont jamais été aussi fragiles, depuis les années 30.

Pour tenter d'éviter la catastrophe, pourquoi aller chercher l'école, notamment l'école primaire, comme premier outil de sauvetage ?

Pour plusieurs raisons.
* Si les démocraties s'affaiblissent, c'est parce que les adules que nous sommes ne savent pas la défendre. Ils ne le savent pas parce qu'ils n'ont jamais appris comment le faire. Et ils n'ont jamais appris parce qu'ils n'ont pas vécu la démocratie dans leur enfance. Il faut donc que l'école ait un fonctionnement démocratique, pour que les enfants en connaissent bien le fonctionnement, et l'aient suffisamment intégré dans leurs habitudes, pour, une fois adultes, être devenus des citoyens capables de la gérer et de la protéger.

* Il ne faut pas oublier qu'avant d'être un mode de fonctionnement politique, la démocratie se traduit par un ensemble de comportements relationnels et moraux, solidaires et dépourvus de désirs compétitifs, qu'il faut acquérir, jeune. Maternelle et primaire sont à cet égard essentiels, et d'autant plus que, depuis toujours, elle habitue à des comportements opposés.

* Impossible d'obtenir que l'école puisse changer d'un seul coup de la maternelle à l'Université. Il faut être réaliste et commencer par du "possible" rapidement : le jeune âge s'impose ici doublement.

* Il se trouve que rendre démocratique le fonctionnement de l'école, pour des enfants de cet âge, peut (et doit ?) inviter les enseignants à commencer par des suppressions, ce qui est une chance : ne pas faire, est nettement plus facile que faire autrement.
Ce qu'il faut faire disparaître, ce sont les pratiques qui génèrent les inégalités de réussite scolaire entre les enfants, comme le travail individuel, facteur important de discrimination sociale ; les corrections notées, qui, arrivant trop tard, alors que le travail est noté (donc terminé !) sont inutiles et contreproductives ; le classement des élèves, humiliant et injuste ; l'interdiction de toute entraide, contraire à la devise de fraternité, inscrite au fronton de l'école ; le travail sur mémoire seule, sans recherche documentaire, proprement scandaleux, car ce n'est, ni plus ni moins qu'un entraînement à la fainéantise malhonnête (chercher pour vérifier, c'est plus fatigant que se fier à sa mémoire, si infidèle soit-elle !), etc.
Ajoutons que ce genre de suppressions provoque souvent des changements d'habitudes, des découvertes sur d'autres manières de s'y prendre, qui permettent cet "ébranlement" indispensable à tout effort d'amélioration.
Pourquoi ne pas essayer ?

* Parce que, enfin, d'un point de vue pratique, l'école travaille sur le long terme, et que cela se heurte à moins de résistance : le court terme fait peur, tandis qu'avec du temps devant soi, les adversaires se méfient moins. Et puis, sur la durée justement, si l'école se met à se transformer, cela peut devenir contagieux : s'il est vrai que la tentation autoritaire est contagieuse, pourquoi la démocratique ne le serait-elle pas ?

Comment s'y prendre pour cela ?

Articles et ouvrages ne manquent pas, qui répondent à cette question. Rien que sur le site de Philippe Meirieu(2), on peut en trouver de nombreux. Chez nos amis belges, les articles et productions de Charles Pepinster(3), du GBEN (Groupe Belge d'Éducation Nouvelle), font découvrir sa pédagogie du chef-d'œuvre et sa célèbre "maison des Enfants".
Il y a aussi les mouvements pédagogiques, l'ICEM, le mouvement Freinet,(4) le GFEN (5), le GBEN, pour ceux qui vivent de l'autre côté de la frontière du nord.
Et puis, les amis de ce blog ont, ensemble, publié un ouvrage entièrement consacré à répondre, de façon concrète, à ce souhait : "Pour que la DEMOCRATIE entre à l'ÉCOLE", aux Editions du Croquant.(6)

Les liens pour la documentation :

1) l'ouvrage d'Anne Applebaum : https://www.furet.com/ebooks/democraties-en-declin-reflexions-sur-la-tentation-autoritaire-anne-applebaum-9782246828570_9782246828570_9.html
2) Philippe Meirieu : http://meirieu.com/
3) Charles Pepinster : http://lelien2.org/pour-une-ecole-qui-denote/
4) ICEM : https://www.icem-pedagogie-freinet.org/
5) GFEN : http://www.gfen.asso.fr/fr/accueil
6) Ouvrage des amis du blog : recension des Cahiers Pedagogiques : https://www.cahiers-pedagogiques.com/pour-que-la-democratie-entre-a-lecole/