Commençons par le pire, dans ce domaine : la peine de mort, dont, de toute évidence, celui qui la subit n'apprendra rien. Alors, pour la faire disparaître, la grande voix de Robert Badinter. Même si beaucoup — enfin... je l'espère ! — en sont convaincus, rappelons tout de même ses paroles du fameux discours de 1981 :
Parce qu'aucun homme n'est totalement responsable, parce qu'aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable.

Il n'est, en effet, pas inutile de rappeler cette conviction, qui ne l'est pas tout à fait pour certains encore. Et pourtant, ce type de "punition" est parfaitement contradictoire avec la formule populaire, évoquée plus haut : la peine de mort n'apprend rigoureusement rien à celui qui la subit ! Et c'est bien son moindre défaut.
A ceux qui rétorquent qu "au moins ça fait peur et que ça en arrête plus d'un", il faut rappeler les mille et une preuves qu'il n'en est rien et qu'elle n'a jamais empêché qui que ce soit de faire ce qu'il estime nécessaire, que ce soit pour ses propres intérêts ou pour défendre une cause. Il suffit d'un petit rappel des années quarante pour en être convaincu.

Quant à la punition des jeunes, lorsqu'ils sortent des clous établis, il faut regarder la réalité en face : rarissimes sont les cas où une menace de punition, même terrible, a effectivement arrêté une désobéissance d'enfant ou d'ado. Il n'est que se rappeler sa propre jeunesse pour n'en plus douter.
La perspective des conséquences fâcheuses n'a d'autre effet, en général, que de développer intelligence et roublardise, pour les éviter, tout en menant le projet à bien — et avec tous les risques que cela comporte.

L'un des grands reproches qu'on puisse faire à la notion de "punition", c'est qu'en général, elle n'a que peu de rapport avec la "faute". Et c'est ce qui la rend à la fois injuste et inefficace. Une faute, ça doit se RÉPARER, et non se punir : l'infantilisation n'a jamais fait grandir personne.
Et quand ce n'est plus possible, et que la faute est "irréparable" ? C'est en effet souvent le cas.
Alors, il faut que le "fauteur" apprenne à en assumer les conséquences. Nul besoin d'être génial pour savoir que c'est terriblement difficile, même pour un adulte — à plus fortes raisons pour un enfant.
Mais ceci n'est envisageable que si deux conditions sont remplies : une éducation riche d'informations ("informations" et non "menaces") sur les conséquences des actes accomplis, les dangers encourus et la responsabilité mise en jeu — mais qui doit être accompagnée d'une confiance sans réserve et sans surveillance — la surveillance, même bienveillante, tue la responsabilité et ouvre la porte aux pires conséquences.
Et comme nul n'est parfait, si cette confiance se trouve trahie, surtout éviter de tomber dans le travers catastrophique d'arrêter tout, avec le discours moralisateur tellement connu, et tellement inutile !
Non ! Juste un entretien, d'égal à égal, pour comprendre ce qui s'est passé, en laissant une seconde chance, rigoureusement égale à la première, sans rien ôter à la confiance... Un entretien où l'on réfléchit ensemble aux moyens d'éviter ce genre d'accident à l'avenir, tout cela dans une ambiance tranquille et amicale, parfaitement la même qu'avant "l'accident". Plus on fait confiance à un enfant, plus se développe en lui un besoin de s'en montrer digne.
Alors, au lieu d'en rajouter pour le rabaisser (comme font volontiers les adultes !), il faut aider le coupable à analyser son forfait.
Cela n'a rien à voir avec du "laxisme", cette hantise des gens prétendument "bien". Assumer ses responsabilités est chose si rude qu'elle est parfois insurmontable : elle a coûté la vie à plus d'un.
Donc il faut aider, c'est un devoir absolu : aider à supporter, sans supprimer le poids : ce n'est pas facile, mais c'est indispensable.

Seul le positif est éducatif : l'éducation par la peur est, soit du dressage, tuant le sujet en l'enfant, soit l'installation chez lui d'une révolte pouvant mener aux pires dangers. En général, le premier entraîne le second, avec, à la clé, une terrible destruction de l'enfant.
La punition n'étant vraiment pas positive, bannissons-la, et bannissons-en jusqu'à la notion. Elle est conçue pour faire mal, et personne ne devient intelligent quand il a mal, que ce soit physiquement ou moralement.
A sa place, c'est celle de "conséquences", qu'il faut installer, en gommant tout l'affectif que dégage la notion de "faute"... Et faire appel plutôt à l'intelligence, beaucoup plus "saine" que l'émotion.
Apprendre aux enfants à être, tel l'Auguste de Corneille, "maîtres d'eux, comme lui, de l'univers"... ou du moins à s'efforcer d'en approcher !
Trop ambitieux ? Rien n'est trop ambitieux pour l'enfant, car, si on lui fait confiance, il est à la hauteur...
Mais voilà, il faut pour cela, qu'on la lui fasse très tôt, et qu'on n'oublie pas qu'à cet âge, chez l'enfant, tout passe par le corps. C'est la motricité qui doit être première. On en est loin aujourd'hui. C'est pourtant par elle que l'enfant construit sa confiance en lui.
Or, il existe au moins un exemple, qui fut plus connu dans les années 70, qu'aujourd'hui, malheureusement. Aussi est-il important d'en parler, pour qu'il réveille des souvenirs aux moins jeunes d'entre nous, et qu'il informe les plus jeunes, qui, sauf exception, n'en ont jamais entendu parler.
Depuis les années 40, existe dans les environs de Budapest, un lieu d'éducation des tout petits, la célèbre crèche de Loczy, un modèle extraordinaire, insuffisamment connu aujourd'hui, dans l'univers de l'éducation des petits. Un lieu d'où est bannie toute méfiance, tout jugement, et, cela va de soi, où la notion de "punition" est totalement absente.

https://www.pikler.fr/emmi-pikler/la-motricite-libre-selon-emmi-pikler

Cette approche se fonde sur de grands principes directeurs, dont le plus important est qu'il accueille l'enfant en considérant, dès le départ, qu’il est naturellement compétent, en accordant une énorme importance à la motricité libre, à l'activité autonome, et à l'entraide...
Ça marche, depuis plus de cinquante ans déjà.
Rien d'interdit dans tout cela, et la mettre en œuvre ne coûte pas cher...
Qu'est-ce qu'on attend ?